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« Police ! Ouvrez ! »
Article mis en ligne le 16 juillet 2022
dernière modification le 15 juillet 2022

Pour le 80e anniversaire de la rafle du Vel’ d’Hiv’, voici un texte inédit du regretté Maurice Rajsfus, historien renommé pour ses travaux sur le génocide des juifs en France. « L’Etoile jaune et la rafle du Vel’ d’Hiv’ » est le témoignage poignant de la vie quotidienne d’un rescapé de 14 ans dans un univers mortifère, une réflexion aussi sur la police et le risque d’un retour de la barbarie.

« “Police ! Ouvrez !”, à plusieurs reprises. Ce n’est pas un rêve, c’est un cauchemar. Déjà deux policiers s’affichent dans l’encadrement de la porte que ma mère vient d’ouvrir. Depuis mon lit, j’aperçois deux cerbères en uniforme de la police française. [ …] Nous sommes le 16 juillet 1942, à l’aube ; le jour commence à poindre et résonne dans ma tête, comme autant de coups de tonnerre : “Police ! Ouvrez !” »

Comme pour les 12 884 juifs étrangers et leurs enfants arrêtés à leur domicile au petit matin, par surprise, la vie de Maurice Rajsfus (14 ans), avec sa sœur aînée Eugénie (16 ans) et ses parents, bascule dans l’horreur. Le régime de Vichy aux ordres de l’occupant nazi vient de déclencher la rafle dite du « Vel’ d’Hiv’ », la plus grande arrestation de masse de juifs en Europe de l’Ouest durant la Seconde Guerre mondiale.

Une opération scientifiquement menée par un brillant fonctionnaire du pétinisme, René Bousquet, et parfaitement exécutée grâce au zèle des 4500 policiers français mobilisés (gardiens de la paix et gendarmes), zèle qui leur vaudra les félicitations du général en chef de la SS en France qui s’exclamera : « La police française a réalisé jusqu’ici une tâche digne d’éloges ! » (...)

Pendant 5 jours et 6 nuits, elles vont y être entassées, dans l’ignorance de leur sort, pratiquement sans nourriture, sans eau potable, sous un soleil de plomb, sans couchage, au milieu des cris de détresse des enfants et des hurlements des haut-parleurs, immergés dans la puanteur des toilettes bouchées, avec trois médecins et dix infirmières pour toute assistance médicale. (...)

« Les enfants de nationalité française peuvent sortir ! », annonce un policier à la centaine de personnes réunies dans un lieu de regroupement à Vincennes, en attendant une destination inconnue. Seuls les parents de Maurice et Eugénie saisissent cette occasion : « Barrez-vous ! » leur ordonne leur mère leur sauvant ainsi la vie.

Ensuite, nous conte Maurice Rajsfus, « après la lourde épreuve de l’intrusion des policiers avait suivi la séparation d’avec nos parents. Nous nous retrouvions à l’air libre, ma sœur et moi. Désormais, notre prison se situerait à l’extérieur, après le départ de l’autobus où mon père et ma mère avaient été contraints de monter, vers une destination encore inconnue. » Dont jamais il ne reviendront.

Décédé en juin 2020, à l’âge de 92 ans, Maurice Rajsfus a été toute sa vie un indomptable révolté. Journaliste, historien et militant, auteur d’une soixantaine de livres (ICI) consacrés au génocide des juifs en France, aux atteintes aux libertés et à la police dont il fut l’inlassable vigie des violences, il a consacré sa vie à dénoncer les injustices et la répression sous toutes leurs formes.

Le texte inédit ici publié, avec l’aimable autorisation de l’association des ami-e-s de Maurice Rajsfus, écrit en 2017 pour les 75 ans de la rafle du Vel d’Hiv, est l’ultime témoignage de l’expérience tragique vécue en 1942 par Maurice Rajsfus, devenu « l’orphelin à perpétuité » traînant son chagrin et sa détresse dans un univers mortifère.

Il est aussi une réflexion sur les ressorts institutionnels et humains de policiers capables des pires ignominies pour obéir aux ordres de leur hiérarchie (...)

« Les enfants de nationalité française peuvent sortir ! », annonce un policier à la centaine de personnes réunies dans un lieu de regroupement à Vincennes, en attendant une destination inconnue. Seuls les parents de Maurice et Eugénie saisissent cette occasion : « Barrez-vous ! » leur ordonne leur mère leur sauvant ainsi la vie.

Ensuite, nous conte Maurice Rajsfus, « après la lourde épreuve de l’intrusion des policiers avait suivi la séparation d’avec nos parents. Nous nous retrouvions à l’air libre, ma sœur et moi. Désormais, notre prison se situerait à l’extérieur, après le départ de l’autobus où mon père et ma mère avaient été contraints de monter, vers une destination encore inconnue. » Dont jamais il ne reviendront.

Décédé en juin 2020, à l’âge de 92 ans, Maurice Rajsfus a été toute sa vie un indomptable révolté. Journaliste, historien et militant, auteur d’une soixantaine de livres (ICI) consacrés au génocide des juifs en France, aux atteintes aux libertés et à la police dont il fut l’inlassable vigie des violences, il a consacré sa vie à dénoncer les injustices et la répression sous toutes leurs formes.

Le texte inédit ici publié, avec l’aimable autorisation de l’association des ami-e-s de Maurice Rajsfus, écrit en 2017 pour les 75 ans de la rafle du Vel d’Hiv, est l’ultime témoignage de l’expérience tragique vécue en 1942 par Maurice Rajsfus, devenu « l’orphelin à perpétuité » traînant son chagrin et sa détresse dans un univers mortifère.

Il est aussi une réflexion sur les ressorts institutionnels et humains de policiers capables des pires ignominies pour obéir aux ordres de leur hiérarchie (...)

Interrogé par Mediapart (ICI) à propos du « grand remplacement » d’Éric Zemmour, version sans fard de la « préférence nationale » du RN, Serge Klarsfeld, un autre survivant de la vindicte nazi, considère que « cette argumentation de Zemmour laisse présager, au cas où l’extrême droite arriverait au pouvoir, un sort funeste pour les musulmans puisqu’il parle des musulmans comme on parlait des juifs à l’époque dans les milieux officiels. “Il faut se débarrasser”, mais comment se débarrasser ? A l’époque on ne disait pas comment se débarrasser mais on s’est débarrassés par la déportation. Alors quelle est la solution pour se débarrasser de millions de musulmans qui vivent en France ? Pour le moment, il n’a pas dit comment, et quelle était la solution qu’il propose, mais c’est une solution brutale. Moi je dis que c’est bestial même puisqu’on en revient à une époque d’inhumanité. Inhumanité que ces 50 dernières années, en tout cas, on avait cru voir disparaître. »
L’ÉTOILE JAUNE ET LA RAFLE DU VEL’ d’HIV

Il y a soixante-quinze ans se déroulait l’innommable ! (...)

Deux ans après leur arrivée à Paris, les autorités nazies avaient décidé de nous affubler de cette abominable étoile jaune, par une ordonnance datée du 29 mai 1942. Nous en avions été avertis par voie de presse. Ce qui est certain, c’est que notre police française avait été chargée d’en faire la distribution, contre la remise de quelques points de notre carte de rationnement textile. Cette assignation à se décorer était spécifiée de façon particulièrement ambiguë : nous n’étions pas dans l’obligation de porter cette étoile jaune infamante, mais il nous était interdit de sortir de notre domicile sans l’arborer visiblement. (...)