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Slate.fr
Plongée dans la nouvelle ruée vers l’or qui agite le cercle arctique
Article mis en ligne le 15 septembre 2018
dernière modification le 13 septembre 2018

Deux siècles après la conquête de l’Ouest américain, le continent connaît une nouvelle course au métal jaune, industrielle et mondialisée. Le territoire canadien du Nunavut est l’un des terrains de chasse des nouveaux pionniers.

Son nom signifie « notre pays » en inuktitut, la langue des Inuits. Vaste comme trois fois la France, chevauchant le cercle arctique, le territoire canadien du Nunavut n’abrite que 0,02 personne au kilomètre carré, l’une des plus faibles densités de population au monde. Son sous-sol, toutefois, recèle moult richesses : du gaz, du cuivre, de l’uranium… et de l’or.

L’histoire, parfois, a le hoquet. Au XIXe siècle, des nuées de paysans appauvris partaient à la conquête de l’Ouest américain, repoussant avec leurs chariots la fameuse « frontière », cette ligne imaginaire qui séparait dans les esprits d’alors le monde sauvage de la « civilisation ».

Aujourd’hui, de l’Alaska au Nunavut, des « pionniers » subsistent et se sont trouvé une nouvelle frontière : le Grand Nord. Face à eux, une nature indomptée, des peuples natifs, et de l’or. La ville de Rankin Inlet, accolée aux berges de la baie d’Hudson, est l’un des épicentres de cette nouvelle fièvre jaune. (...)

À une vingtaine de kilomètres au nord des dernières barraques de pêche, le camp minier de Meliadine (du nom d’un lac voisin), ouvert en 2014, attire d’année en année un peu plus d’ouvriers. (...)

Qui sont-ils, ces nouveaux pionniers ? Pour l’essentiel, des Québécois venus d’anciennes villes minières aujourd’hui paupérisées, comme Val-d’Or ou Rouyn-Noranda. À l’image des conquérants du Grand Ouest, nombre font figure d’écorchés vifs. Martin, la trentaine, a longtemps été SDF à Vancouver, métropole de la côte ouest. Cédric, début de vingtaine, sort d’un court séjour en prison pour trafic de stupéfiants. Il a mis le cap sur Meliadine « pour ne pas retomber dedans ».

D’autres sont de simples pères de famille, arrivés au Nunavut au gré des restructurations de mines québécoises. Leur vie est rythmée par les « runs » de deux semaines qu’ils effectuent dans le Grand Nord. Deux semaines aux confins du monde, puis deux semaines auprès de leur famille, et ainsi de suite. Un exil intermittent plutôt bien compensé : un mineur peut gagner jusqu’à trente-neuf dollars canadiens de l’heure, soit trois fois le salaire minimum en vigueur au Québec.(...)

Choc des civilisations

Et puis il y a les « autochtones », les Inuits. Plusieurs siècles après la colonisation du continent, le choc des civilisations entre Blancs et populations natives persiste. Si, désormais, les visages pâles viennent plutôt exploiter la terre que l’occuper, l’industrie extractive n’en bouleverse pas moins la région : or, diamant, zinc, près de trente mines sont actuellement opérationnelles ou en développement à travers le Grand Nord canadien.

Un phénomène qui divise profondément les communautés inuites environnantes (...)

En vertu d’un accord entre la compagnie minière et les communautés locales, les Inuits doivent théoriquement constituer la moitié de la main d’œuvre du camp. Un ratio que l’entreprise maintient difficilement : conservant souvent un mode de vie traditionnel, ceux-ci quittent parfois le camp inopinément pour retourner assister leur famille au village.(...)

En sus des autorités, l’entreprise veille aussi à choyer ses ouvriers détachés à Meliadine(...)

Un confort qui doit compenser l’isolement et la rudesse des conditions : le mercure à Rankin Inlet peut descendre jusqu’à -45°C, et les vents des plaines arctiques n’attendent qu’un flocon pour devenir blizzard. (...)

les chiffres publiés par la compagnie exploitante donnent le vertige : 900 millions de dollars canadiens d’investissements initiaux, plusieurs centaines d’ouvriers sur place et la concession de 111 hectares font de Meliadine une petite ville en soi. L’extraction minière mondialisée est bien loin des chariots et des tentes du XIXe siècle.

Froide ritournelle

Une démesure à l’image de l’immensité du Grand Nord (...)

Toujours plus au nord

Combien de temps durera la froide ritournelle de Meliadine ? « Il y a un sacré paquet d’or là-dessous », répond Amanda, responsable des équipes d’intendance. « Selon les estimations, on en a au moins pour dix ans ici. » Et après ? Le camp sera peut-être démonté et reconstruit ailleurs. (...)