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Le Temps
Plaidoyer pour sauver des vies en Méditerranée
*Ce texte est né d’un travail de fin d’un cours de médecine (étudiants de 3e année de bachelor/1re année de master) de l’Université de Lausanne sous la direction du professeur Patrick Bodenmann, titulaire de la chaire de médecine des populations vulnérables.
Article mis en ligne le 23 janvier 2019

Seize étudiants en médecine de l’Université de Lausanne en appellent à la tradition humanitaire de la Suisse pour accorder un pavillon à un navire venant en aide aux candidats à l’asile traversant la Méditerranée

Amri traverse la Méditerranée dans l’espoir de fuir les conditions inhumaines de la Libye. Ils sont 120 à bord d’un bateau gonflable prévu pour 20. Après deux heures de voyage, le moteur prend feu. Il voit certains de ses amis brûler et des enfants se noyer. Il s’accroche à des bidons en attendant les secours, secours qui ne seront dorénavant plus portés par l’Aquarius (témoignage recueilli par un journaliste de l’Agence France-Presse le 2 juillet 2018).

A l’instant où vous lisez ces lignes, hommes, femmes et enfants traversent la Méditerranée et se retrouvent piégés dans des circonstances qui les rendent particulièrement vulnérables. Faisons le diagnostic de leur vulnérabilité : nous sommes face à un manque de dispositifs de sauvetage et de soins, doublé de conditions de détresse extrême qui menacent l’intégrité physique et mentale de ces personnes, ainsi que leur dignité humaine.

Le cas tragique d’Amri est loin d’être unique. (...)

Durant le premier semestre 2018, 1 personne sur 8 ayant essayé de traverser la Méditerranée s’est noyée ou a disparu.

0,45% du PNB
Avant de partir sur des « bateaux de fortune », ces personnes sont dans un état de santé physique et mentale souvent précarisé : détenues et torturées depuis plusieurs mois, la mer devient l’unique échappatoire même si la mort est fréquemment au rendez-vous. Pendant la traversée, la déshydratation, l’absence d’aliments, les brûlures, la douleur des blessures, le froid, la chaleur, l’épuisement les accablent. (...)

« A notre avis, la Suisse aurait dû accorder le pavillon à l’Aquarius afin de s’inscrire dans la continuité de ses traditions et valeurs humanitaires »

Au travers de son histoire, elle a soutenu les plus vulnérables, accueilli des réfugiés d’origine et de culture diverses, puis s’est positionnée comme garante des droits humanitaires internationaux en donnant naissance aux Conventions de Genève. Elle s’est engagée à respecter les droits de l’homme et a signé la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme de l’Unesco. Chaque année, la Suisse dépense 0,45% du PNB pour venir en aide aux plus démunis.

Sauver notre propre intégrité
Il apparaît indéniable que nous devons assumer nos responsabilités et prendre les devants afin de donner l’exemple et ouvrir la voie aux autres pays d’Europe. Des actions de sauvetage doivent être mises en place, en respectant les principes unanimement reconnus de bienfaisance et d’équité. En empêchant l’Aquarius de reprendre ses fonctions nobles, ce n’est pas seulement la vie de ces hommes, femmes et enfants qui sont méprisées, mais aussi leur dignité. La noyade n’est que la dernière des nombreuses injustices qu’ils subissent.

Mais l’histoire peut s’écrire différemment, à partir de décisions courageuses : en faisant un pas vers une société plus accueillante, équitable, juste, qui refuse l’exclusion, nous contribuerions à réduire les inégalités de vie et de santé, créant ainsi une société plus humaine. L’attribution de pavillons à des navires de sauvetage méditerranéens ne permettrait pas seulement de protéger l’intégrité de ces personnes en détresse : il s’agirait de sauver notre propre intégrité morale, de faire cas de notre indignation, et – en tant que futur-e-s médecins, de faire honneur à nos valeurs humanistes.