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Pesticides : La Réunion à l’aube d’un scandale sanitaire ?
Fabrice Nicolino est journaliste spécialiste des questions d’écologie et collaborateur de Reporterre. Il préside l’association Nous voulons des coquelicots, qui demande l’interdiction de tous les pesticides de synthèse.
Article mis en ligne le 8 mars 2019

(...) j’ai suivi il y a déjà près de quinze ans l’affaire du chlordécone, aux Antilles. L’histoire est presque incroyable, car les autorités ont accepté l’usage dans les bananeraies d’un insecticide pourtant interdit aux États-Unis. La chronologie compte. En 1974 commence un scandale sanitaire dont on parlera dans le monde entier. Dans l’usine étasunienne qui fabrique le chlordécone, à Hopeville, des dizaines de travailleurs sont atteints de troubles neurologiques graves. On apprend ensuite que toute la région, via la James River, où l’on a jeté des milliers de tonnes de déchets souillés, est gravement contaminée. D’où l’interdiction prononcée en 1976.

La canne à sucre, constamment aspergée par au moins une quinzaine de produits différents
Mais aux Antilles françaises, quatre ministres de l’Agriculture successifs accordent à partir de 1981 une effarante autorisation de mise sur le marché (AMM), suivie de dérogations qui se poursuivront jusqu’en 1993. Le bilan, en cette année 2019, est atroce : très stable chimiquement, le chlordécone est présent dans les sols pour des centaines — centaines ! — d’années. Et la Martinique détient le record du monde du nombre de cancers de la prostate. (...)

Moi, je suis sûr qu’il se passe quelque chose de grave à La Réunion. Certains pesticides interdits dans l’Union européenne sont épandus chez vous, comme l’attestent des déclarations officielles. Et que dire de la canne à sucre — près de 60 % de la surface agricole utile de l’île —, constamment aspergée par au moins une quinzaine de produits différents ? Parmi eux, le célèbre Roundup, plus toxique encore que sa principale matière active, le glyphosate. Ou encore l’asulox, retiré du marché européen depuis 2012, mais qui continue à obtenir des dérogations annuelles par le ministère de l’Agriculture sous pression des planteurs de canne. Et ce dicamba, objet de milliers de plaintes de paysans aux États-Unis ? (...)

Pour savoir ce qui se passe vraiment à La Réunion, il faudrait commencer par chercher. La seule certitude, c’est que les eaux de l’île sont gravement polluées. (...)

On a cassé le thermomètre, et dès lors, personne ne peut dire quelle est la contamination réelle
Que font nos responsables ?À peu près rien, ce qui donne une idée de la puissance des lobbies.

Compte tenu des quantités énormes de pesticides épandus — les classements régionaux placent La Réunion au premier rang —, il est certain que la situation est grave. Je ne saurais vous donner un conseil, car ce serait trop simple pour moi, à l’abri de mon bureau parisien. Mais un avis, oui. L’avis d’un ami à d’autres amis lointains : c’est l’heure. C’est le moment ou jamais de soulever le couvercle du mépris, et de se lever en masse. Pacifiquement, mais sans reculer. On ne peut plus attendre. De cela, je suis profondément convaincu. Et bien sûr, je m’engage aussi. Je serai à vos côtés dans tous les combats qui s’annoncent et en particulier celui porté par le manifeste d’Oasis Réunion, très ambitieux mais aussi tellement réaliste. Vive la vie ! Vive la beauté du monde !