Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Infos Gaza 755 bis
Personne ne se préoccupe de la situation de Gaza
Laurance est le directeur général de l’Aide médicale à destination des Palestiniens et ancien directeur de l’Organisation mondiale de la santé en Palestine.
Article mis en ligne le 15 avril 2015
dernière modification le 6 avril 2015

Six mois après l’engagement des donateurs lors de la Conférence du Caire, 100 000 personnes sont toujours sans abri.

« Ce mois, nous avons appris que seulement 5%, ou un peu plus, de l’argent promis pour la reconstruction de ce qui reste de Gaza au terme de 51 jours d’offensive Israélienne ont été versés.
Quelle conclusion peut-on tirer de l’engagement de la communauté internationale envers le territoire assiégé et ses 1.8 millions d’habitants ?
J’étais en visite à Gaza la semaine passée, et c’est la première fois que je constate un tel abattement et une telle dépression dans cette région. Les décombres n’ont toujours pas été déblayés. Les coupures d’électricité persistent. L’économie n’arrive pas à se redresser et la pauvreté s’est généralisée. Partout où vous passez, vous ne tomberez que sur des immeubles détruits.

Quelques 100 000 personnes dont les maisons avaient été détruites durant les bombardements sont encore et toujours sans abri ni toit. D’aucuns se sont regroupés avec d’autres membres de leurs familles et vivent dans d’incroyables conditions de promiscuité. D’autres, les moins chanceux, vivent dans des caravanes, ou dans des refuges de l’ONU ou alors dans des maisons détruites où ils sont exposés aux yeux de tous et aux aléas de la nature.

Une autre crise majeure

Je suis parti à Gaza avec une équipe de chirurgiens britanniques, des spécialistes dans la reconstruction des membres. Ils travaillent en collaboration avec leurs confrères Palestiniens en apportant leur aide dans la réparation des os des blessés graves des attaques de juillet. En quittant la Grande-Bretagne, nous avons pris avec nous l’équivalent de $265.000 d’équipements médicaux, les traînant dans des valises pendant de longues heures de marche du passage d’Erez. Mais quel est ce système qui vous pousse à équiper vos hôpitaux de cette façon ? Lorsque les médecins locaux dépendent des visites des consultants qui leur apprennent de nouvelles méthodes et pratiques car ils ne peuvent pas quitter Gaza pour se former et se perfectionner ailleurs ?
Les services de santé luttent pour faire face à la situation dans laquelle gît leur secteur. Ils sont à la fois surchargés et pauvres en ressources. Une fois de plus, ils sont confrontés à de graves pénuries de médicaments et de consommables car tout ce qui a été livré du temps de la guerre a fini par s’écouler. La plupart du personnel n’ont pas perçu des mois de salaires, tandis que d’autres n’ont touché que 60% de leurs paies en raison de la crise financière que connait l’Autorité Palestinienne et qui a été exacerbée par le refus de la partie Israélienne de lui transférer [à l’AP] les recettes fiscales qui lui reviennent. Montrez-moi au moins un système sanitaire dans le monde qui serait en mesure de fonctionner dans ces conditions !
J’ai pu également observer l’impact de l’héritage perpétuel du conflit. Plus de 8.000 « restes explosifs de guerre » - obus, grenades et bombes qui n’ont pas explosé – demeurent éparpillés çà et là dans toute Gaza, constituant ainsi une menace fatale pour ses habitants et notamment pour les enfants. Tout au long de ma visite, nos chirurgiens ont contribué au traitement de trois enfants qui, en ramassant l’un de ces engins meurtriers, ont été grièvement blessés. Ceci est juste pour souligner et rappeler qu’après six mois de cessez-le-feu, le conflit continue de faire de terribles ravages.

Échec collectif

Faire aboutir l’assistance médicale à Gaza nécessite une logistique très compliquée et délicate, mais elle n’est pas aussi difficile comparée aux obstacles qui entravent la reconstruction réelle et significative de la Bande. Afin de répondre aux besoins des ménages, y compris la reconstruction des maisons détruites ou sévèrement endommagées et l’encouragement de la croissance naturelle, il faudrait que Gaza reçoive quotidiennement et pendant les trois années à venir 735 camions chargés de matériaux.

Durant tout le mois de novembre, ce besoin quotidien n’a pas totalement été satisfait et seulement une moyenne de 287 cargaisons de matériaux de construction ont réussi à entrer quotidiennement à Gaza. Alors que le mois de décembre a enregistré une légère amélioration, le processus dans son intégralité s’est arrêté au mois de janvier en raison du manque de fonds.
Les Palestiniens ordinaires à Gaza suivent tout ce qui se passe autour d’eux avec une consternation croissante. Ils se sentent abandonnés et délaissés. Ce sont eux qui souffrent, alors que ceux qui ont un pouvoir sur eux demeurent verrouillés dans des positions retranchées. Ils sont incapables de partir et impuissant face à l’idée du changement. Bien que les Gazaouis soient incroyablement résistants, l’impasse et l’isolement continu dans lesquels ils se trouvent actuellement les poussent à bout.

Étant donné les horreurs dont nous avions été témoins en juillet dernier et considérant la réelle possibilité de voir les mêmes scènes se répéter, nous devons sans plus attendre repartir avec des efforts plus vigoureux qui sauraient redonner l’espoir à Gaza. »