
Ce jeudi 4 février, l’entreprise multinationale allemande de l’énergie RWE a annoncé poursuivre les Pays-Bas pour la décision de sortir du charbon d’ici à 2030. Fruit de la mobilisation du mouvement climat hollandais et d’une décision de justice historique (affaire Urgenda), cette politique climatique est aujourd’hui remise en cause : le Traité sur la charte de l’énergie permet à RWE de se saisir d’une justice parallèle pour réclamer des contreparties exorbitantes à la fermeture programmée de l’une de ses centrales à charbon.
Ce genre de poursuites ne peut que dissuader les pouvoirs publics de prendre des mesures ambitieuses en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Les organisations de la société civile appellent l’UE et les États-membres à prendre la décision qui s’impose : sortir du TCE le plus rapidement possible.
L’affaire Urgenda, du nom de cette organisation néerlandaise qui avait fait condamner l’État pour une politique climatique insuffisante, avait fait grand bruit. Confirmé définitivement par la Cour suprême des Pays-Bas en décembre 2019, ce jugement, aux côtés des mobilisations citoyennes pour le climat et contre le charbon, a encouragé le gouvernement à décidé une sortie progressive du charbon d’ici à 2030. Soit la fermeture progressive des cinq dernières centrales à charbon du pays.
RWE, dont l’arrivée sur le marché néerlandais date de 2009, ne l’entend pas de cette oreille (...)
Ce n’est pas la première fois que le Traité sur la charte de l’énergie, longtemps resté dans l’oubli, est utilisé par des investisseurs et entreprises du secteur des énergies fossiles pour protéger leurs intérêts au détriment de l’intérêt général et/ou dissuader les pouvoirs publics de prendre des mesures climatiques ambitieuses. Parmi des dizaines de cas, une entreprise britannique Rockhopper s’en prend à l’Italie à la suite de son moratoire sur les forages offshore, une entreprise canadienne Vermilion a fait pression sur le gouvernement français pour réduire l’ambition de la loi Hulot sur les hydrocarbures, etc (...)
Depuis des années, les organisations de la société civile alertent sur le caractère nocif de ce Traité et appellent l’UE et les États-membres à s’en retirer au plus vite. C’est possible, l’Italie l’a fait depuis 2016. Cela fait quelques mois que ces vives critiques s’étendent : 200 scientifiques ont récemment formulé une demande similaire (4), tandis que 250 parlementaires ont demandé à la Commission d’explorer la possibilité de se retirer conjointement de cet accord (5). Les gouvernements espagnols et français ont également exprimé cette demande « d’étudier une sortie coordonnée de l’UE de ce traité ». Nous publions la lettre des 4 ministres français (...)
Cette prise de position intervient alors que des négociations pour une « modernisation » du Traité ont débuté en 2020 et que quatre nouvelles sessions sont planifiées en 2021(7), sans obligation de résultat et sans date de fin de négociation. Compte-tenu de l’opposition de plusieurs pays, dont le Japon, il est peu probable que ces négociations aboutissent et encore moins probable d’obtenir plus que quelques modifications cosmétiques. Les propositions que l’UE, et donc la France, portent dans ce processus de négociation sont d’ailleurs très largement insuffisantes (...)
Le temps presse et la France ne peut donc se contenter de gentiment demander à la Commission d’étudier une sortie coordonnée : elle doit s’engager à s’en retirer de manière unilatérale à brève échéance. C’est d’ailleurs le meilleur moyen d’obtenir un retrait conjoint à l’échelle européenne. Une vaste campagne de mobilisation citoyenne va débuter fin février à laquelle le collectif national Stop CETA-Mercosur prendra toute sa part, notamment lors du lancement d’une pétition européenne, avec comme point d’orgue les échéances de la la loi climat européenne et la COP26 à Glasgow à l’automne 2021.