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Petit Billet
Parquet flottant, mais parquet grinçant !
Lionel de Cahors, Semaine 08-10
Article mis en ligne le 9 mars 2010

La garde des Sceaux Michèle Alliot-Marie (MAM pour les intimes) ex-ministre des Armées, mais pas désarmée pour autant, vient de proposer un avant projet de réforme du code de procédure pénale (CPP), qui prévoit entre autre, de supprimer le juge d’instruction et de mieux encadrer la garde à vue.
Mais au milieu du gros pavé de 200 pages et des 730 nouveaux articles qui composent ce document juridique, un petit pavé est venu troubler la mare des réformes.
Le diable se cache souvent dans les détails. Une "petite disposition" concernant la prescription des délits vient semer le trouble dans la magistrature et faire grincer le parquet.

En effet, le délai de prescription pourrait courir à partir du moment où l’infraction a été commise et non plus à partir de la découverte des faits. Cela change effectivement bien des "choses", mais au ministère de la Justice, on présente cette mesure comme une "simplification et une clarification" du droit. D’autant que la Chancellerie propose d’allonger de trois à six ans le délai de prescription des délits passibles d’au moins cinq ans de prison.
Comme un sorte de mise en garde aux délinquants en col blanc, afin de mieux orienter leurs méfaits plutôt vers des petits délits… Étonnant, non ?

L’article 121-7 du futur code de procédure pénale est ainsi rédigé :

" Hors les cas où la loi en dispose autrement, la prescription de l’action publique court à compter du jour où l’infraction a été commise, quelle que soit la date à laquelle elle a été constatée. "
Avec ces nouvelles conditions de très nombreuses affaires n’auraient jamais vu le jour : Angolagate, Elf, Frégates de Taiwan, Mairie de Paris, Charles Pasqua, Jean-Charles Marchiani et Gaston Flosse, ou des dirigeants de société comme Casino ou Vinci. Quant à l’affaire Madoff, avec une telle disposition, en France il "risquerait" de ne pas être poursuivi.
Mais ce qui inquiète aussi particulièrement la magistrature c’est que, de surcroît, cet article concerne aussi des délits mineurs…

Voir dans ce diabolique détail de l’article 121-7, la main du Président pour enterrer certaines affaires politico-financières, ou soupçonner le gouvernement de vouloir étouffer quelques dossiers chaud-bouillants, ou encore penser que nos élites voudraient alléger l’abus de bien social (ABS), ou enfin imaginer que nos politiques cherchent à dépénaliser les délits économiques et financiers, tout cela ne sont que de basses médisances ! *

Bien entendu, un esprit malveillant ou sarcastique pourrait y voir aussi une mesure circonstancielle de future protection, lorsque des sous-marins pakistanais ** sont à nouveau en train de refaire surface un peu trop près des cotes de certains hauts responsables, mais ce serait alors oublier les propos si rassurants et lénifiants de Nicolas Sarkozy dans son discours de Marseille du 3 septembre 2006 qui, la main sur le cœur déclama vertement :

" Vous voulez la vérité ! Cela tombe bien : je refuse le mensonge ! "

Alors ! Avez-vous encore besoin d’autres preuves de sincérité ?…

Lionel de Cahors
Petit Billet - semaine 08-10

* Quoi que cette nouvelle tentative n’est pas sans nous rappeler l’amendement de Pierre Mazaud en 1995 , qui avait alors soulevé un tollé général, ni celle plus récente en 2008 avec le rapport du magistrat Jean-Marie Coulon sur la dépénalisation des affaires…

** Avec un récent témoignage qui accrédite la thèse d’un mobile politico-financier, l’affaire de Karachi touche aujourd’hui à la raison d’État. Le non-paiement des rétrocommissions est à l’origine de l’attentat du 8 mai 2002 qui coûta la vie à onze Français innocents, employés de la Direction des Constructions Navales (DCN) à Karachi.