
(...) Philippe Chevilley dans “Les Échos” (4 avril) écrit que “Bruno Meyssat s’attaque à la crise grecque dans ’Kairós ?’, la ’Pièce d’actualité’ à l’affiche du théâtre de la Commune d’Aubervilliers” (...) “une pantomime tragique, qui met en cause l’autisme des responsables européens face à la détresse du peuple grec. Étrange et fascinant. L’actualité s’invite de plus en plus souvent sur les planches”.
(...) Je lui avais dit ceci, un jour pourtant bien ensoleillé dans Athènes : “Comme si la crise de la Zone Euro était une affaire grecque et non pas un labyrinthe allemand, français, voire même américain. La question centrale n’est ni l’euro ni la dette, c’est la démocratie”. (...)
nous traversons la septième année dite “de crise”, c’est-à-dire, la septième année depuis ce changement de régime qui consiste à signer des mémoranda à répétition avec la Troïka et ainsi, à faire saigner la démocratie subsistante, alors vider (comme c’est actuellement en cours en Grèce sous SYRIZA) de sa dernière substance le code du travail, dans une mise à mort de la société, des droits, et alors en somme, de la souveraineté du pays... Hélas, le chemin est finalement pas si long.
De retour à Athènes - où les manifestations initiées par les syndicats n’ont pas connu vraiment de succès cette semaine, j’ai remarqué ces nouvelles affiches au centre-ville dénonçant notre autre Kairós bien avancé : “Patrons salopards, cotisations volées et travail non déclaré”, un état des lieux bien grecs, mais qui deviennent alors la règle, la seule règle presque lorsqu’au même moment (avril 2016), la Troïka élargie exige et obtiendra sans doute du gouvernement SYRIZA de légiférer... de fait, pour ainsi “libérer totalement les licenciements”, c’est la terminologie d’ailleurs exacte, restituée par les medias grecs (9 avril).
Seulement, lorsqu’on n’est pas entièrement touriste de son temps, et lorsqu’on participe... de plein gré aux deux univers culturels (et linguistiques), on ne peut que constater toute la distance qui sépare (pour le moment ?) les deux historicités de l’instant ‘T’ actuel, entre la France et la Grèce et en 2016. Comme je le disais devant le public du théâtre d’Aubervilliers, nous avons en Grèce une longueur d’avance... dans la destruction de la démocratie (déjà oligarchique), destruction accompagnée et (définitivement ?) aggravée par celle de l’espoir faussement incarné par SYRIZA et dans un sens plus large, par toute la gauche car tel est l’état d’esprit en Grèce en ce moment, Kairós alors implacable, surtout lorsqu’il n’a pas été (bien) saisi à temps. (...)
Je crois pourtant comprendre et surtout sentir tout ce vent mauvais de l’actuel Kairós comme une cristallisation en accéléré des représentations grecques, depuis, et par cette dernière dite crise des migrants. Tout d’abord et à ce propos, de nombreux analystes du phénomène s’expriment dans la presse grecque (et cela contrairement à une certaine presse occidentale), pour insister sur le caractère “technique” de ces migrations.
Autrement-dit, et même si elles portent autant en elles le drame (entier) des réfugiés, ces migrations sont pour ainsi dire organisées, financées et orientées, car elles participent (à leur manière) à la géopolitique et à la mécanique sociale de notre monde visiblement trop actuel. Pour ne pas tourner autour du pot comme on dit, l’usage des victimes... exotiques (migrants) en tant qu’arme de déstructuration complémentaire des sociétés, et cela contre les victimes déjà “ésotiques” (de l’intérieur) de la mondialisation, correspond à mes yeux à une étape supplémentaire dans la guerre que nous vivons et qui ne dit pas encore son nom (en entier). (...)
Sur le sol grec, tout... y est en ce moment : certains représentants (officiels ou officieux) de gouvernements très agissants dans la dérégulation des échanges (comme autant du sens commun), ceux des organismes internationaux, et surtout ces agitateurs issus des ONG financées (entre autres) par les financiers et apôtres de la mondialisation tel Soros, couveuses alors extraordinaires d’agents spéciaux et d’espions comme de trafiquants et d’opportunistes de toute sorte, sans parler des vrais (ou faux) Djihadistes qui agissent à peine dissimulés parfois, voilà pour ces structures très présentes actuellement, et portant sans doute le coup de grâce à la souveraineté grecque, avec l’aimable participation d’Alexis Tsipras et de ses proches (autres) escrocs politiques comme lui.
Une personne ayant directement participé à cette nébuleuse des ONG à Idomeni (où se trouve un bien sinistre camp abritant plus de dix mille migrants et refugiés aux conditions épouvantables), me disait peu après mon retour à Athènes que “l’enjeu financier est énorme, l’argent tombe comme de la pluie sur les ONG, et les nombreuses visites qu’effectuent sur place les diplomates, les agents et les... personnalités influentes du monde actuel, tout cela prouve bien toute la triste réalité des enjeux qui n’ont alors rien, mais rien d’humanitaire”. (...)
"Faire ainsi de la Grèce un pion dans la géostratégie... des migrations actuelles, n’a été possible qu’après avoir détruit ce qui restait de l’autonomie dans le processus décisionnel, et cela ne présage rien de très apaisant je dirais” (lors du débat après la pièce Kairós, je cite de mémoire). (...)
La poésie aurait certainement pu être cette première réaction des êtres doués de conscience face à ce qui advenait en eux et autour d’eux, à Paris, comme à Athènes (et) pour à peine paraphraser Konstantinos Bouras : “La poésie grecque contemporaine, un acte testimonial désespéré”, revue Desmós. Kairós, tout simplement.