
La pandémie représente un évènement exceptionnel qui bouscule chacun dans son rapport au monde et à l’existence. Les mesures de confinement visant à endiguer les contaminations rajoutent une dimension coercitive aux sentiments d’effroi et de peur que la plupart des personnes ont éprouvé au cours de l’année écoulée.
Depuis l’automne 2020, les psychologues sonnent l’alerte à propos de la santé mentale. En novembre, la Fondation Jean Jaurès publie les résultats alarmistes d’un sondage réalisé par l’institut IFOP [1]. Fin janvier, Emmanuel Macron refusait un troisième confinement en évoquant comme raison parmi d’autres la nécessité de préserver la santé mentale de la population. Au mois de mars, le ministre de la santé Olivier Véran exprimait ses craintes à propos d’une « quatrième vague de dépressions ».
Le vécu de cette pandémie a transformé la santé mentale en question sociale à part entière. Auparavant, il n’y avait guère que la psycho-dynamique du travail pour appréhender le bien-être psychique dans ses dimensions collectives
Dans cet article, je propose de faire le point sur l’ampleur de cette dégradation de la santé mentale, notamment à partir d’enquêtes menées aux États-Unis. J’examinerai ensuite les interprétations principales de ce mal-être, notamment celles qu’on peut retrouver en psychologie. Dans un troisième point, j’expose l’hypothèse que le numérique n’est pas en mesure de répondre aux attentes de sociabilité. Le quatrième point me permet d’exposer pourquoi on peut penser que les rapports sociaux traversent une crise qui se traduit par une dégradation de la santé mentale. Dans le cinquième point, j’expose les raisons qui invitent à penser que l’injonction à la résilience ne répond pas à la crise des rapports sociaux. Et enfin, dans le sixième point, je reviens sur la condition d’existence subjective de la jeunesse, en développant l’hypothèse que cette dernière est une « génération en devenir ». (...)