
En 1978 déjà, la police niait ses responsabilités dans la noyade de Gilles Tautin. Reprise intégrale de l’article n°70 de ma série "1968" qui en a compté 113. Le 10 Juin 1968, la police tue le jeune lycéen Gilles Tautin, alors que la résistance face aux cafards continuait à Renault Flins.
10 juin 2018 : A Flins, la police tue Gilles Tautin
La CFDT a proposé la veille une journée de solidarité et de soutien aux travailleurs en grève « sous toutes les formes possibles, délégations auprès des chambres patronales, manifestations, arrêts de travail ». CGT et FO refusent. La CFDT métaux, avec l’UNEF, organise une manifestation place Pereire à Paris, qui rassemble un millier de personnes. Quelques centaines d’entre elles regagnent ensuite la Gare Saint-Lazare pour rejoindre Flins et se font éconduire par les cheminots CGT à qui elles avaient demandé de mettre gratuitement à leur disposition des trains spéciaux. De là elles se rendent à Renault-Billancourt, où elles sont rejetées par les travailleurs qui occupent. (...)
Le travail n’a pas repris à l’usine Renault de Flins investie par les CRS. La CGT et la CFDT tiennent un meeting devant l’usine. La police multiplie les agressions et rafles aux alentours. En fin de journée, un groupe de gendarmes mobiles repère quelques jeunes en train de se reposer au bord de la Seine. Ils chargent. Les jeunes se jetent à l’eau. Sur l’autre rive, des gendarmes les attendent à coup de crosse. L’un d’eux, Gilles Tautin, 17 ans, militant de l’UJCml, se noie. Cela se passe en fin de journée. Dans la nuit, les forces de police se retirent de la région. L’assassinat provoque des heurts au Quartier Latin où deux mille manifestants affrontent les CRS. Des panneaux électoraux sont brûlés. Nombreux blessés dont un journaliste d’Europe 1 matraqué. On déplore une centaine de blessés.
Le communiqué de la police, comme si souvent, c’est sa fonction, est une atteinte à la vérité comme à l’intelligence : les jeunes auraient choisi de se jeter volontairement à l’eau sans qu’un danger précis les menace... (...)
Le 11 juin, précédés d’une pancarte qui porte l’inscription « Mallarmé en deuil », un millier de personnes, dont des élèves et professeurs du lycée, participent à une marche silencieuse à travers les rues parisiennes. Un communiqué de presse est publié au nom du lycée Mallarmé qu’il fréquente : « Il n’a jamais agi de façon irréfléchie, au contraire ; parmi ses camarades, il était le plus mûr, le plus apte à la discussion raisonnée [...]. S’il s’est engagé dans l’action, ce n’est donc pas par une attitude moutonnière, mais par conviction personnelle. » (...)
Le 15, Gilles Tautin est enterré au cimetière des Batignolles, où sont entonnés Le Chant des survivants et Le Chant des Martyrs. Son portrait géant est porté par deux ouvriers de Flins et accompagné par quatre à cinq mille personnes, en manifestation silencieuse et sans banderoles. (...)