
Semer le doute, financer des experts, alimenter la contradiction par de fausses recherches, jouer sur les mots : le documentaire Ondes, science et manigances nous plonge dans les stratégies des industriels de la téléphonie pour éviter tout débat sur les risques sanitaires des ondes électro-magnétiques.
Pourquoi, malgré des centaines de recherches scientifiques, les responsables politiques peinent-ils à adopter des lois pour mieux protéger les populations ?
Entretien avec les deux auteurs, Nancy de Méritens et Jean Heches. (...)
Nancy de Mértiens : Les industriels financent souvent des « réplications », qui ne vont pas trouver les mêmes résultats que l’étude initiale. Ensuite, ils vont mettre ces études en parallèle : « Regardez : trois études montrent des effets négatifs et cinq études ne montrent rien. » C’est de la science au poids ! La réplication d’une étude est presque un non-sens, puisque de nombreux paramètres changent d’un labo à l’autre, le matériel, la situation géographique, le personnel, certains produits utilisés... Et parfois, on observe des modifications importantes dans les réplications, comme la durée d’expositions des rats, par exemple 30 minutes au lieu de deux heures dans l’étude initiale. Comme les décideurs lisent juste les conclusions des études, et qu’ils ne s’intéressent pas aux conflits d’intérêts de ces scientifiques, cela fonctionne.
Jean Heches : Les industriels ont dominé la recherche ces dernières années. Du coup, si on comptabilise les études « au poids », c’est plutôt le « pas de risque » qui l’emporte. Par contre, dans l’épidémiologie, l’étude des facteurs déclencheurs de maladies sur les populations, il y a des signaux inquiétants, sur les gros utilisateurs de téléphones, dont la probabilité d’avoir un cancer du cerveau est augmentée. Ces études ne peuvent pas être répliquées mais elle peuvent être ré-interprétées. C’est ce que vendent les cabinets de défense de produits aux industriels. (...)
Il y a quand même un aspect positif dans tout ça. Dans le film on peut voir à quel point le travail de la société civile est important. Si les associations n’allaient pas au charbon dans les conférences scientifiques, les auditions, ou dans les médias, les scientifiques mercenaires auraient la voie libre. Certains accusent les associations d’être « d’horribles groupes de pressions » qui attaquent les pauvres industriels qui ne peuvent plus travailler. C’est impressionnant de voir, malgré le déséquilibre des forces, comment les associations mettent en échec cette mécanique énorme. C’est un des aspects importants que nous avons voulu montrer dans le film, pour que les gens comprennent qu’ils peuvent agir et que cela donne des résultats.