
Ils sont assis tout au fond de la classe, près du radiateur. Ils ont un téléphone qui ne joue même pas du Vivaldi quand il sonne. Les mains sous le bureau, ils s’envoient des SMS à longueur de journée. Leurs copies commencent par « 2 tt tps et à ttes lé zépok, l’om a cherché dé moy de komunikation ». Ils ne lisent pas les Cahiers de médiologie. Ils ne savent pas que l’Université Catholique de Louvain mène des études linguistique sur leur drôle de façon d’écrire. D’ailleurs bientôt ils ne sauront plus du tout écrire. Ils : ce sont les cancres immobiles, accrochés à leur téléphone mobile. Le Tigre, en cette période de rentrée scolaire, a pris la parole en leur nom. Pas pour les défendre, non ! Mais pour expliquer. D’où vient cette écriture, pourkoa, komen. Si, pour les défendre, un peu...
...La coexistence entre l’écriture traditionnelle et des formes d’écriture rapides
ou abrégées de la langue, entre le qui et le ki, ne date pas d’hier. Pendant des
siècles, cette coexistence fut perçue comme une richesse et non comme un
risque pour la langue. Parce que mettre ki à la place de qui, c’était gagner du
temps, voire écrire à la vitesse de la parole. Or, à des époques où l’enregistre-
ment audio n’existait pas, pouvoir transcrire un discours en temps réel était un
savoir utile aux souverains comme à la vie administrative, intellectuelle et éco-
nomique. De même, à toutes les époques, les étudiants ont écrit leurs cours
par abréviations : pour pouvoir suivre la parole du maître. Les langues n’en
sont pas mortes. ..