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Numérisation à la BnF : Filippetti contredit les projets de Racine
Article mis en ligne le 31 janvier 2013

La voix de la ministre de la Culture vient de tonner dans l’Assemblée nationale : après avoir laissé durant trois mois la question du député Marcel Rogemont en suspens, la rue de Valois, voyant la polémique enfler, daigne répondre. L’enjeu est majeur : la BnF prévoit de numériser des oeuvres du domaine public, de commercialiser les scans et d’imposer une exclusivité d’accès sur 95 % de ces oeuvres. Scandale ? Mieux : Aurélie Filippetti vient elle-même de contredire les propos de Bruno Racine, président de la BnF.

La ministre de la Culture avait promis une réponse, et son conseiller en communication, Franck Chaumont, avait assuré à ActuaLitté, en marge des voeux de la ministre, qu’elle viendrait rapidement. On ne pouvait espérer une telle vélocité. (...)

En somme, avec son montage bancal, BnF Partenariat, l’énigmatique filiale en charge de ce dossier, a enfumé son monde, profitant de ce que personne ne s’était préoccupé de savoir où irait l’addition. Pourtant, ce sont bien les universités qui la régleront, poursuit Mathieu Perona. « Leur situation financière actuelle est catastrophique. Et on découvre un montage complètement absurde, en comprenant que la BnF vendra un accès à la base de données - sûrement hors de prix - à des bibliothèques universitaires dont l’argent vient des caisses de l’État.  » (...)

En assurant que l’accord permettait un accès libre et gratuit « au sein des salles de recherche de la BnF à l’ensemble des données numérisées grâce à ce partenariat », la ministre oublie quelques éléments. D’abord, sur les 70.000 livres numérisés, seuls 5 % seront en accès libre. De même, pour les vinyles, seules 90 secondes seront disponibles. Et ce, durant la période d’exclusivité qui s’étend sur 10 années.

Or, dans sa volonté de bien faire et de défendre à tout crin la politique de la BnF, Aurélie Filippetti vient de contredire absolument Bruno Racine. Là où le président de la BnF expliquait que les produits de la numérisation profitaient d’un accord d’exclusivité, en vertu des droits nouveaux créés, justement par la numérisation, la ministre de la Culture dit tout le contraire : « Cet accord ne porte pas préjudice au domaine public, puisqu’il ne crée pas de droit nouveau sur les documents qui ont été numérisés sans exclusivité. »

Il n’y a donc pas d’exclusivité, estime la ministre. Ce qui devrait faire trembler les sociétés ProQuest et Believe. Aurélie Filippetti assure donc qu’il sera possible de s’emparer des documents numérisés par les sociétés, et de les diffuser largement sur la toile. Les sociétés qui auront numérisé les oeuvres n’auraient alors aucun contrôle sur les documents - et donc, ne pourraient en aucun cas faire intervenir un quelconque droit sur le produit de la numérisation. (...)

Mais la question se pose sur un tout autre point que l’exclusivité de la numérisation, c’est celle de l’exclusivité de la commercialisation, qui elle pose un réel problème. En effet, seuls la BnF, ProQuest et Believe sont en mesure de commercialiser la base de données numérisée. Tout autre acteur désireux de numériser pourrait réaliser des scans des oeuvres en question, mais il aura l’interdiction stricte de commercialiser quoi que ce soit.

Notons enfin que Pierre Lescure, dans le cadre de la mission qui lui a été confiée, a lui-même désavoué le projet de la BnF. (...)

Certaines institutions culturelles offrent à la consultation du public, sur leurs propres sites, des œuvres du domaine public numérisées accompagnées de mentions restrictives des usages. Des œuvres du domaine public sont vendues sous forme de bases de données, en partenariat avec des entreprises privées qui assurent la numérisation et se rémunèrent sur le produit des ventes. Il convient donc de réfléchir à la mise en place de dispositifs juridiques de protection, de promotion et de valorisation du domaine public adaptés à l’ère numérique.

Or, l’exploitation commerciale du patrimoine public est bien au coeur du projet de Bruno Racine. (...)

Une pétition a été mise en ligne contre ce projet