
Les salariés d’Altrad Endel, n°1 de la maintenance des centrales nucléaires, étaient mobilisés le 7 février. Ils demandent de meilleurs salaires, et alertent aussi contre le dangereux « dépeçage » de leur groupe.
(...) Depuis avril dernier et le rachat de leur entreprise, Endel, par le géant montpelliérain des travaux publics, les salariés ont vu leurs conditions de travail se dégrader. « On nous en demande toujours plus, sans augmentation salariale ni considération, tranche Frédérik Conseil. Maintenant, c’est “marche ou crève”. Résultat, plein de gens s’en vont à la concurrence. »
« On va le frapper au portefeuille »
Le syndicaliste s’inquiète aussi de l’avenir d’Endel, « peu à peu découpée en morceaux dont les pans les moins rentables pourront être abandonnés », et plus largement du bon fonctionnement des centrales électriques. Car la filiale est n°1 sur le marché de la maintenance nucléaire — EDF a en effet externalisé la majeure partie de cette activité. Ses quelque 3 400 salariés interviennent sur les cinquante-six réacteurs hexagonaux, pour faire des réparations, entretenir les outils…
Ils travaillent en particulier sur les corrosions sous contrainte qui ont mis à l’arrêt une grande partie du parc nucléaire. « Si Altrad casse Endel, comment assurera-t-on demain la maintenance des centrales nucléaires ? » interroge Frédérik Conseil. (...)
La situation des salariés d’Altrad Endel fait écho aux problèmes récurrents que rencontrent les sous-traitants du nucléaire : mauvaises rémunérations, exposition à de la radioactivité, manque de protection, turn-over important. Avec des conséquences potentiellement désastreuses pour la sûreté nucléaire : pour le syndicaliste Gilles Reynaud, interrogé par Reporterre, la logique du « low-cost » qui prévaut parmi les entreprises sous-traitantes « va conduire à des déconvenues ».
En septembre dernier, le député François Ruffin s’était d’ailleurs inquiété du « dépeçage d’Endel » auprès du ministre de l’Économie : « C’est le secteur nucléaire qui va se trouver un peu plus dans le chaos, avec l’un de ses chaînons pour la maintenance qui sera moins sécurisé que fragilisé », avait-il alerté. Pour l’élu de la Somme, mieux vaut une grande entreprise, bien structurée, qui assure l’entretien des réacteurs, plutôt qu’une « kyrielle de sociétés qui recourront, in fine, à la sous-traitance de la sous-traitance ». Une interrogation restée, pour le moment, sans réponse du gouvernement. (...)
En attendant, l’incompréhension et la colère montent parmi les salariés. « Mohed Altrad s’est sans doute dit qu’il y a avait du pognon à se faire dans le nucléaire, avec le vieillissement des centrales et les nouveaux EPR, dénonce Frédérik Conseil, mais la maintenance nucléaire ne peut pas répondre uniquement à une logique financière de maximisation des profits. » (...)