
Composés d’ingrédients recombinés au point qu’on ne reconnaît plus l’aliment d’origine, les produits ultra-transformés sont pauvres en micronutriments et participent au développement de maladies chroniques. L’auteur de cette tribune s’alarme que ces produits soient aujourd’hui consommés massivement, notamment par les classes défavorisées.
Les produits ultra-transformés ont envahi nos rayons de supermarché, les fast-foods, les distributeurs et autres points chauds de restauration dans la rue. On estime même qu’ils pourraient constituer plus de 80 % des aliments emballés en supermarchés [1]. On peut par exemple citer les barres chocolatées, les desserts lactés, les céréales du petit-déjeuner pour enfants, les jus de fruits reconstitués, les pizzas préparées, etc. S’il faut reconnaître que ces produits jouent un rôle social et peuvent trouver une utilité dans certaines situations de la vie courante (repas sur le pouce, confiseries, repas festifs…), ils posent un sérieux problème de santé publique quand ils deviennent la base de notre alimentation. (...)
Il est difficile de dire exactement quand les produits ultra-transformés sont apparus dans les rayons, probablement leur apparition massive date des années 1980. Ils n’ont été définis précisément que très récemment par la communauté scientifique. Les épidémiologistes de l’université de Sao Paulo ont notamment retenu plusieurs critères [2] :
- « Formulations industrielles réalisées à partir typiquement de cinq ingrédients ou plus d’ingrédients » ;
- « Le but des divers additifs et ingrédients est d’imiter les qualités sensorielles des aliments pas ou peu transformés et des préparations culinaires réalisées à partir de ces aliments, ou de masquer les qualités sensorielles indésirables des produits finaux » ;
- « L’objectif principal de l’ultra-transformation industrielle est donc de créer des produits qui sont prêts à l’emploi ou à être chauffés, remplaçant à la fois les aliments pas ou peu transformés qui sont naturellement prêts à être consommés, tels que les fruits et fruits à coque, le lait et l’eau, les boissons, plats, desserts et repas fraîchement préparés. Les attributs communs des produits ultra-transformés sont l’hyper-palatabilité [3], des emballages sophistiqués et attrayants, des allégations santé, une forte rentabilité, et ils appartiennent généralement à de grandes marques de compagnies transnationales ». (...)
Une étude brésilienne [4] a montré qu’au-delà de 13 % de calories quotidiennes provenant des produits ultra-transformés, le risque d’obésité commence à augmenter significativement. Il n’est donc pas exagéré de conseiller de ne pas dépasser 1 calorie sur 6 en provenance des produits ultra-transformés, et non 1 sur deux comme cela tend à devenir le cas dans les pays occidentalisés, notamment anglo-saxons, la France semblant mieux résister que d’autres pays européens — sans doute en raison de sa tradition culinaire. (...)
En outre, des études récentes [5] montrent très clairement que les produits ultra-transformés sont moins rassasiants et plus hyperglycémiants [6] que les produits pas, peu ou normalement transformés. Pourquoi ? Car leur texture est différente, souvent plus molle ou moins dure et qu’ils sont consommés en solitaire, deux conditions qui sont associées à moins de mastication ; et qui dit moins de mastication dit un temps trop court pour bien stimuler les hormones de satiété [7].
On l’aura compris, il ne s’agit bien évidemment pas de pointer du doigt la transformation mais plutôt l’ultra-transformation excessive des aliments complexes d’origine. (...)
Les produits ultra-transformés sont le symbole de la pensée réductionniste occidentale qui tend à fractionner la réalité en entités isolées pour mieux l’étudier. Si les aliments ne sont qu’une somme de nutriments alors pourquoi ne pas fractionner les aliments puis recombiner les ingrédients dans des combinaisons infinies ? C’est pourtant oublier que le tout est supérieur à la somme des parties (...)