
Le nouveau livre de Napoleon Chagnon, un anthropologue nord-américain controversé, a suscité une vague de protestations de la part d’experts et des Indiens yanomami.
Marshall Sahlins, professeur d’anthropologie à l’université de Chicago et éminent spécialiste des sociétés polynésiennes, a démissionné de l’Académie nationale des Sciences nord-américaine en signe de protestation contre l’élection de Chagnon à cette prestigieuse institution. Sahlins avait écrit auparavant une critique dévastatrice de l’œuvre de Chagnon dans le Washington Post.
Davi Kopenawa, porte-parole des Yanomami du Brésil et président de l’association des Yanomami du Brésil Hutukara a dénoncé ce que Chagnon dit à propos des Yanomami : ‘Les Yanomami sont des sauvages !’ Il enseigne des mensonges aux jeunes étudiants. ‘Voyez, les Yanomami s’entretuent pour des femmes’ il ne fait que répéter cela. Mais que font ses chefs ? ‘Je sais qu’il y a quatre ans, son chef a mené une grande guerre – où des milliers d’enfants ont été tués, ils ont tué des milliers de garçons et de filles. Ces grands hommes ont presque tout anéanti. Ce sont eux le peuple féroce, le vrai peuple féroce. Ils lâchent des bombes, des machines de guerre et anéantissent la Terre. Nous ne faisons pas cela…’.
De nombreux anthropologues, tous spécialistes des Yanomami, titulaires de doctorats d’universités de plusieurs pays du monde et ayant effectué des travaux de terrains depuis les années 1960 jusqu’à nos jours, ont signé une lettre ouverte condamnant les théories de Chagnon selon lesquelles les Yanomami seraient des gens ‘féroces’ et ‘violents’. Eux-mêmes les décrivent comme un peuple ‘généralement pacifique’. (...)
Les Yanomami vivent de part et d’autre de la frontière entre le Brésil et le Venezuela. Ils représentent le plus grand groupe d’Amérique du Sud vivant en isolement relatif . Leur territoire est protégé par la loi, mais les orpailleurs clandestins et les propriétaires terriens continuent d’envahir leur territoire détruisant leurs forêts et propageant des maladies qui ont déjà décimé un cinquième des Yanomami du Brésil dans les années 1980. (...)
Stephen Corry, directeur de Survival International, a déclaré aujourd’hui (26 Février 2013) : ‘La plus grande tragédie dans cette histoire est que la réalité du monde yanomami a été largement ignorée, les médias ayant préféré se concentrer sur des détails croustillants du débat qui fait rage entre les anthropologues ou bien sur les hypothèses controversées avancées par Chagnon. En réalité, Yanomamö : The Fierce People a eu des conséquences désastreuses non seulement sur les Yanomami, mais aussi sur les peuples indigènes en général. Il n’y a aucun doute que ce livre a été utilisé à leur encontre et a fait rejaillir le mythe du bon sauvage du XIXe siècle dans les mentalités du grand public’.