
Depuis le passage en force du gouvernement par le recours au 49.3, la jeunesse redynamise le mouvement social dans les rues. Mais elle fait face à une répression intense : présence policière démesurée, gardes à vue, pression administrative.
Depuis le recours à l’article 49.3, le 16 mars, les manifestations spontanées, largement portées par la jeunesse, s’enchaînent jour après jour à Paris et dans les grandes villes de France. Dans les universités, un regain de mobilisation étudiante s’observe. À Tolbiac (Paris I), qui se veut l’épicentre de la contestation étudiante dans la capitale, une AG a réuni près de 1000 participants lundi. Sous étroite surveillance policière.
Si les vidéos de violences policières se multiplient sur les réseaux sociaux, ces derniers jours, les lycéens et étudiants font en fait face à des épisodes répressifs depuis le 19 janvier. « Il y a une volonté de museler cette jeunesse par la violence, une violence plus que manifeste aujourd’hui », dit Aurélie, parente d’élève au lycée Hélène-Boucher de Paris et membre du collectif Anti-répression lycées, créé en février en Île-de-France. (...)
Gardes à vue de mineurs
Les lycées Thiers, Saint-Exupéry et Jean-Perrin à Marseille, ou encore le lycée Théodore-Ozenne à Toulouse connaissent également des répressions violentes d’actions de blocage. « Cela dépend aussi de la manière de réagir des chefs d’établissement, note Cloé Buisson. Certains appellent la police dès qu’ils sont prévenus qu’un blocage va avoir lieu. » (...)
Depuis le passage en force du gouvernement par le recours au 49.3, la jeunesse redynamise le mouvement social dans les rues. Mais elle fait face à une répression intense : présence policière démesurée, gardes à vue, pression administrative. (...)
À Lyon, « un policier s’est permis de tirer un flashball vers un lycéen, la semaine dernière. Le lycéen n’a pas eu besoin d’aller à l’hôpital heureusement », recense Gwenn Thomas-Alves, délégué national chargé de la vie lycéenne à la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (Fidl). À Marseille, les interpellations et gardes à vue de lycéens se multiplient tellement qu’« on envisage d’ouvrir une “legal team” locale », ironise le responsable syndical lycéen [1].
« Je ne me doutais pas qu’on leur faisait autant peur »
La répression policière se double parfois d’une pression interne dans les établissements. (...)
Celles et ceux identifié·es comme “leaders” du mouvement sont particulièrement visé·es (...)
Conséquence de ces expériences : la crainte de la répression s’ancre dans l’esprit de nombreux jeunes. (...)
Des enseignants, en grève de la surveillance du bac, prennent la parole au micro. Des banderoles sont accrochées aux grilles. Des slogans écrits à la craie sur le sol. Mais les lycéens défilent avec à peine un regard, seuls certains applaudissent en passant. « Il faudrait tout bloquer, soupire Sila. Mais il n’y a pas assez de monde motivé. Les autres élèves ont peur des parents qui vont les engueuler. Ils ont peur de la police aussi. » (...)
Dans les villes de banlieue, en Seine-Saint-Denis et ailleurs, « cela fait des années qu’on est choqué par la répression. Je pense que tout le monde se souvient des images des lycéens de Mantes-la-Jolie fin 2018 », rappelle Cloé Buisson du collectif Anti-répression Lycées. 146 lycéens interpellés avaient alors été forcés à s’agenouiller par des policiers qui avaient commenté la scène d’un « Voilà une classe qui se tient sage » de sinistre mémoire.
Cette peur existe aussi chez leurs aînés, les étudiants. (...)
« Violence préventive » (...)
« Les mobilisations spontanées donnent du courage à tout le monde pour prendre en main le mouvement social. L’État l’a bien compris, analyse Abel. Ils essaient de casser cette spontanéité de la jeunesse pour éviter que cela ne prenne de l’ampleur, que les travailleurs s’en saisissent pour y puiser du courage. » Il regrette d’ailleurs que « l’intersyndicale ne dise son soutien que du bout des lèvres à cette partie du mouvement – qui ne peut pas suffire, mais qui le revitalise ».
Les cas de répression des étudiants se multiplient dans plusieurs villes. (...)
Des « policiers en tenue anti-émeutes » dans l’université
La répression s’installe aussi au cœur même des universités. Des dispositifs de contrôle drastiques, voire des fermetures complètes de bâtiments universitaires, ont eu lieu dans plusieurs campus. Une forme de répression administrative vise à empêcher les actions de blocage et les occupations, mise en pratique le 10 février à Paris-1 Panthéon-Sorbonne ou le 7 mars à l’université Paul-Valéry à Montpellier.
En outre, le passage des cours en distanciel peut constituer un moyen de répression insidieux. (...)
« On a l’impression que les présidents d’université ont pour consigne de ne faire aucune concession aux organisations étudiantes » (...)