
Dans une interview à InfoMigrants, Notis Mitarakis, ministre grec des Migrations, confirme la volonté d’Athènes de durcir la politique migratoire du pays. En revanche, il réfute les accusations selon lesquelles les autorités grecques repousseraient des migrants en mer Egée.
Marion MacGregor, InfoMigrants : Quel rôle a joué l’armée grecque dans l’approvisionnement en nourriture et dans l’assistance médicale pour les demandeurs d’asile à Lesbos ?
Notis Mitarakis, ministre grec de la Migration et de l’asile : Quand il y a eu l’incendie à Lesbos, nous avons réussi à maintenir la chaîne d’approvisionnement de nourriture, d’eau et de médicaments, même pendant les quatre jours pendant lesquels les gens ont du dormir dans la rue avant de pouvoir être relogés dans le nouveau camp. Malheureusement, le camp a été réduit en cendres par des personnes y résidant. La police a arrêté six résidents du camp pour avoir causé les incendies mettant en danger des milliers de vies.
Je pense qu’il est important de noter que lorsque des individus viennent dans notre pays pour y demander l’asile, ils doivent respecter le pays dans lequel ils se trouvent, ils doivent respecter nos lois et nos règlements.
Je tiens à souligner que c’est la première fois dans l’histoire qu’un nouveau camp pour accueillir 10.000 personnes a été monté en partant de zéro en l’espace de seulement quatre jours. Je pense qu’il est important de souligner que l’évacuation s’est déroulée sans faire de victimes ou de blessés. (...)
Le nouveau camp de Lesbos n’offre pas suffisamment de protection contre les conditions météorologiques en hiver. Nous l’avons constaté après les premières pluies cet automne. Aussi, il n’y a toujours pas suffisamment de toilettes et de douches. Nous sommes en pleine pandémie, ce qui rend l’hygiène plus importante que jamais. Quand allez-vous vous occuper de ces problèmes ?
Selon les standards internationaux pour un camp temporaire, nous avons assez de toilettes. Nous avons des douches qui fonctionnent. L’Union européenne est entrain de valider le contrat pour des investissements supplémentaires dans le programme WASH (eau et assainissement, ndlr). Nous avons validé le contrat pour des travaux anti-inondation additionnels..
Vous devez comprendre que lorsque des gens incendient un camp, il n’existe pas de camp de secours. Aucun pays ne construit des camps de secours de cette taille. Je pense que la capacité à avoir monté le nouveau camp en quelques jours est admirable. (...)
Certaines personnes ont causé l’incendie en pensant qu’elles seraient directement transférées vers d’autres pays de l’Union européenne. Manifestement, cela n’a pas fonctionné. (...)
Dans les camps et dans le parc Victoria Square à Athènes, nous avons vu des personnes très malades, dont des enfants. Des médecins nous ont dit que la situation était critique. Qu’allez-vous faire pour améliorer cette situation ?
Il n’y a personne actuellement dans le Victoria Square et il n’y a pas de situations critique. Certaines personnes n’ont pas été en mesure de trouver du travail ou un logement. Ces personnes se sont vues proposer des hébergements temporaires. La Grèce n’a pas de logements sociaux. Cela n’affecte pas seulement les migrants, cela touche toute la population. (...)
pour les personnes qui ne peuvent pas rester Grèce, il existe toujours la possibilité de faire une demande de retour volontaire dans son pays d’origine avec l’aide financière de l’OIM. Certaines personnes ont peut-être pensé arriver en Grèce, trouver une grande maison, un travail à vie et de l’aide illimitée. Mais ce n’est peut-être pas la réalité. Certaines personnes doivent peut-être choisir de repartir.
Mais étant donné que la Grèce a octroyé un statut de protection à des dizaines de milliers de personnes, cela ne veut-il pas aussi dire que la majorité des arrivants fuient des persécutions et ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine ?
Non. L’Afghanistan par exemple, a un gouvernement et dispose de beaucoup de régions sûres. Des personnes peuvent choisir de retourner dans leur pays, pas nécessairement dans le village dans lequel elles sont nées, mais peut-être dans d’autres parties du pays (...)
Il y a eu beaucoup de confusion cette année sur le sort des îles grecques. Pouvez-vous nous dire s’il y aura des camps fermés sur Lesbos, Samos et Chios ?
Il y aura des centres fermés et contrôlés dans tous les camps. Ces camps auront une double clôture et un portail d’entrée sécurisé. Les demandeurs d’asile seront autorisés à entrer et sortir du camp à certaines heures de la journée avec une carte et leurs empreintes digitales. Les camps seront fermés la nuit. C’est une mesure que nous mettons déjà en place dans le camp temporaire de Lesbos. Le camp disposera aussi d’une section fermée pour les personnes qui ont reçu une décision finale et doivent retourner dans leur pays d’origine.
Du coup, des avocats, des ONG et des journalistes auront l’autorisation d’entrer dans le camp ?
Il y aura des règles dans les camps. Si vous êtes un avocat, si vous avez un rendez-vous et vous vous enregistrez, et si une personne en particulier vous attend, alors vous serez admis. Si vous êtes une ONG et que vous avez une carte qui vous identifie comme membre de cette ONG, vous pouvez bien évidemment entrer après être passé par l’enregistrement. Enfin, si vous êtes un journaliste et que vous voulez visiter le camp, vous devez nous en informer, nous vous donnerons un pass pour la journée et vous pouvez visiter le camp. Mais personne ne peut entrer et sortir sans être contrôlé, tout comme dans n’importe quel bâtiment de l’Union européenne. (...)
Des allégations selon lesquelles les autorités grecques et des membres de Frontex auraient repoussé des migrants sont désormais appuyées par des vidéos, des images satellite et de nombreux témoignages. La Grèce aurait lancé une enquête interne. Continuez-vous à nier que les autorités grecques ont été impliquées ?
J’exclus que les autorités grecques ont été impliquées. Nous avons privé les trafiquant d’environ 100 millions d’euros cette année parce que nous protégeons nos frontières. Il y a beaucoup d’argent à se faire en lançant de la propagande. Il est clair que nous protégeons nos frontières, absolument, mais nous protégeons nos frontières en accord avec les lois internationales et européennes. (...)
La Grèce a appelé à la solidarité de la part de ses partenaires de l’Union européenne. Etes-vous satisfait du pacte de l’UE sur la migration ?
Il reste encore beaucoup de travail à faire. Je pense que c’est une bonne chose que l’accent soit mis sur la protection des frontières et sur les retours. Je pense qu’il est essentiel de faire la différence entre des migrants économiques et des réfugiés dans le cadre des conventions de Genève. Je pense qu’il reste beaucoup de travail en matière de solidarité. Nous ne pouvons attendre de tous les pays en première ligne d’absorber toute la pression des flux migratoires.