
Vingt-deux migrants, dont treize enfants, sont morts noyés dans deux naufrages de bateaux tentant de rejoindre les îles grecques de Kalymnos et Rhodes, dans la nuit de jeudi à vendredi. Depuis début 2015, 3 200 personnes sont décédées en tentant de rejoindre l’Europe par la Méditerranée.
Cette hécatombe ne mérite pas d’être baptisée « crise des migrants », comme on a pris la (mauvaise) habitude de la dénommer. C’est un scandale humanitaire dans lequel l’Europe, à force de tergiverser, a sa part de responsabilité. On s’inquiétait ici, l’autre jour, des menaces sur la cohésion, voire sur l’existence de l’Europe et de ses principes (la libre circulation des personnes), si elle ne sortait pas de ses égoïsmes nationaux pour gérer de façon collective et responsable cet afflux qui va se poursuivre.
L’Union européenne risque « la désintégration », a prévenu jeudi sa chef de la diplomatie, Federica Mogherini : à se contenter de réponses nationales, « la crise s’aggravera, avec des réactions en chaîne des opinions et des gouvernements ».
On oublie ce qui est avant tout en jeu : les vies d’êtres humains fuyant la guerre et la misère, englouties en Méditerranée au rythme quotidien (en moyenne) de dix décès par jour. Nombre qui « pourrait augmenter du fait des conditions hivernales et par crainte de nouvelles fermetures de frontières », a prévenu le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
Face à cette « tragédie humanitaire », le Premier ministre grec, Aléxis Tsípras, a dit vendredi sa « honte devant l’incapacité de l’Europe à défendre ses valeurs et [devant] le niveau du débat, où tout le monde se renvoie la balle ». La Grèce, qui a accueilli cette année 560 000 migrants sur les 700 000 arrivés en Europe par la mer, est débordée. « Notre premier devoir est de sauver les vies, et de ne pas autoriser que l’Egée devienne un cimetière », a martelé Tsípras devant son Parlement. Seule solution, selon lui : ouvrir des canaux légaux d’arrivée. Et certainement pas ériger des murs, ainsi que l’Autriche en a exprimé l’intention cette semaine. Initiative qui lui a valu vendredi la réprobation de la France (...)
Il faut de toute urgence empêcher que s’alourdisse le décompte macabre. Face à la cohorte des noyés, les Européens ont une responsabilité devant l’histoire.