
La question de l’immigration en France ainsi que celle des migrations internationales prennent une importance grandissante dans les débats en Europe.
Tout le monde a son avis sur le sujet. Des analyses émanant de micro trottoir aux émissions TV animées par des « experts », en passant par les états-majors politiques : un flot ininterrompu de considérations se déverse sur cette question. Sur les réseaux sociaux c’est une version exponentielle et brouillonne de ce débat, indicateur du buzz et de la confusion que provoque l’arrivée des migrants.
Ces questions sont hautement polémiques et politiques, les termes dans lesquelles elles sont abordées par les acteurs politiques quels qu’ils soient sont plus des marqueurs de leurs lignes idéologiques que de la réalité migratoire.
On assiste à un affrontement de représentations sur les migrations en général, et sur l’immigration en France, qui n’a pas très souvent de rapport avec la réalité.
Une des premières victimes de cet affrontement est la réalité statistique que représentent « sans-papiers », « migrants » et « étrangers », et cela sans jamais en définir les termes. Les discussions se résument à des positions de principe dans lesquelles les populations dont on évoque le sort sont une abstraction.
Ces termes ne sont pourtant pas mystiques et ne devraient pas changer au gré des interlocuteurs. Ils sont d’ordre juridique ou administratif. Ils désignent des populations différentes.
En France, on confond étranger et immigré pourtant une partie des étrangers ne sont pas des immigrés et à l’inverse une partie des immigrés sont des Français.
La majorité des personnes qui fuient en raison de conflits, persécutions sont des déplacés internes et non des réfugiés.
On peut multiplier les exemples de ces réalités migratoires qui sont en décalage total avec bon nombre de représentations sur les migrations en France, qu’elles émanent de xénophobes ou de militants antiracistes.
Il est utile de rappeler certaines définitions, notamment celle d’étranger et d’immigré.
Un étranger, du point de vue du droit français, est une personne n’ayant pas la nationalité française.
Un immigré, est une personne née étranger à l’étranger et qui réside en France, les français nés à l’étranger sont donc exclus de la définition d’un immigré. Un immigré peut donc acquérir la nationalité française.
On constate au passage que le slogan « français/immigrés, même patron même combat, égalité des droits » est en partie à côté de la plaque.
Les discussions utilisent couramment les deux termes, comme s’il s’agissait de la même réalité juridique,statistique ou démographique.
Une partie des étrangers ne sont pas des immigrés et une partie des immigrés ne sont plus des étrangers. (...)
Depuis les lois « Pasqua » sur la nationalité, une partie de importante de la population étrangère est née en France. Il existe des « étrangers bien de chez nous » que l’on peut rajouter à des immigrés qui peuvent voter parce que Français : tout de suite on se sent moins entourés d’inconnus. (...)
C’est la même confusion lorsque les discussions traitent des « migrants ».
On retrouve un même décalage entre représentations, discours et réalité sur les réfugiés, demandeurs d’asile et déplacés internes.
(...)
Les déplacés internes n’ont pas traversé de frontière internationale pour chercher asile dans un autre pays. Ils sont restés dans leur pays. Même s’ils ont fui pour des raisons similaires à celles des réfugiés. Un réfugié est l’extérieur du pays qu’il a fui, un déplacé interne à l’intérieur du pays à l’origine de son déplacement forcé. (...)
la majorité des « réfugiés » ne se trouve pas en Occident mais dans les pays voisins des pays d’où proviennent ces réfugiés, en somme la majorité des réfugiés sont dans le Sud.
Le regard médiatique, politique et même militant est centré sur le phénomène le plus marginal mais qui les concerne directement : la minorité de réfugiés qui arrive en Europe.
Cette surmédiatisation masque les réalités statistiques.
Les réfugiés se trouvent majoritairement dans les pays voisins de celui dans lequel ils résidaient.
On parle beaucoup des réfugiés syriens qui tentent d’arriver en Europe, comme si la majorité des réfugiés syriens se trouvaient en Europe.
L’écrasante majorité des réfugiés syriens, soit près de 4 millions, se trouve en Turquie, Irak, Liban et Jordanie.
Autre élément peu médiatisé, près de 7,6 millions de Syriens sont des déplacés internes en Syrie même. La guerre en Syrie met 11 000 000 de personnes sur les routes
Un vent de panique traverse l’Europe en raison des 270 000 réfugiés arrivés en Europe depuis un peu plus d’un an.
Un manque de sang-froid qui peut faire sourire le reste du monde. En Europe on ne parle jamais du camp de Dadaab, au Kenya, qui accueille près de 500 000 réfugiés.
Il suffit de comparer la démographie kényane et celle de l’Europe, l’économie de l’Europe et celle du Kenya pour appréhender le fantasme d’une invasion migratoire et du fumeux « grand remplacement ». (...)
La définition des termes et la manière dont sont utilisées les statistiques, répondent à des stratégies et des pensées politiques et économiques.
Médiatiser l’utilisation de certains termes plutôt que d’autres, se focaliser sur certains chiffres et ne présenter qu’une partie des statistiques incite à un repli national et nourrit l’hystérie collective qui se construit contre les réfugiés et plus largement sur l’immigration en France et en Europe.
On assiste à une véritable campagne d’intoxication qui fait partie de la manière dont les puissances européennes présentent les conflits militaires qu’elles mènent. Ce discours anti « migrants » sert à masquer son rôle dans les différentes guerres qui sont la cause de ces déplacements forcés. Sur leur territoire comme à l’étranger, la France et ses homologues européens savent punir les pauvres après les avoir pillés et avoir soutenu leurs dictateurs.