
"Il y a un drame qui se joue en Méditerranée, et l’Europe ferme les yeux", a déclaré samedi 2 mai sur franceinfo Fabienne Lassalle, la directrice adjointe de l’ONG SOS Méditerranée, alors que les 236 migrants, secourus en mer mardi en Libye par l’équipe d’Ocean Viking, sont arrivés ce samedi en Sicile. "Il y a un refus de responsabilité des États, une totale défaillance", a-t-elle dénoncé.
franceinfo : Comment s’est passée cette arrivée en Sicile ?
Fabienne Lassalle : L’arrivée en Sicile s’est déroulée relativement correctement : au bout de plusieurs jours, nous avons eu l’information que le port d’Augusta en Sicile nous était ouvert pour débarquer ces 236 personnes. Ils sont arrivés ce matin à 9 heures : les autorités sanitaires sont venues, ont effectué des tests Covid-19.
Et puis peu à peu le débarquement a commencé. Il a débuté à 12 heures, il s’est terminé à 17 heures samedi.
Sur ces 236 personnes, il y a combien de nationalité différente ?
Il y a une dizaine de nationalités différentes, essentiellement d’Afrique subsaharienne et de la Corne de l’Afrique. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il y avait 130 mineurs, c’est tout à fait inhabituel dans ses proportions. Parmi eux, 119 non accompagnés, donc des enfants qui sont jetés seuls sur ces embarcations précaires et qui traversent la Méditerranée au péril de leur vie.
on sait que bien souvent, s’il y a une possibilité de fuir, les parents privilégient le fait que ce soit leurs enfants en premier qui puissent fuir la Libye, vu ce qu’ils subissent là-bas. La seule porte de sortie, c’est la mer, malgré les dangers. Beaucoup nous le disent : "plutôt prendre la mer, que de mourir en Libye." (...)
La mer était très mauvaise ces derniers jours. Quand ces persones sont récupérées, elles sont transies de froid, désydratées et très perturbées. Elles ont également toutes les séquelles physiques de leur passage en Libye. Je pense à tous ces mineurs qui ont été battus, passés à tabac, parce qu’ils hésitaient à monter dans les canoés. Jusqu’au dernier moment, ils se sont faits battre par les passeurs, donc ils sont souvent très traumatisés. Il faut un vrai temps à bord pour panser les plaies physiques et morales. (...)
Il y a un refus de responsabilité des États, une totale défaillance et effectivement, on n’arrive à rien, ce qui est déplorable. Les naufrages se succèdent et il y a de moins en moins de moyens pour aller les secourir.
Seuls les humanitaires sont présents, et encore : les quelques navires qui œuvrent sont plusieurs à être bloqués pour des raisons administratives par les autorités italiennes. Il y a un grand vide dans cette Méditerranée, un drame qui se joue, et l’Europe ferme les yeux. (...)