
Le photographe Sebastian Castelier a accompagné Damien Lefauconnier lors d’un déplacement dans le cadre de son enquête sur l’une des centrales nucléaires les plus dangereuses du monde, à Metsamor, en Arménie. Tous deux ont obtenu l’autorisation de visiter les lieux. Les clichés reproduits ci-dessous sont pour la plupart inédits.
En 2015, l’État arménien décidait la prolongation d’activité de l’actuelle unité jusqu’en 2026, le temps de fabriquer une nouvelle centrale, d’une puissance de 600 à 1000 mégawatts, financée sur des fonds russes, et installée sur le même site. Un rapport non-officialisé écrit par des experts de l’Institut de Physique de l’Académie russe des Sciences, daté de 1992 et certifié 25 ans après par leurs auteurs, affirme qu’une faille sismique présentant « un grand danger » se situe à cinq cents mètres de l’actuelle centrale nucléaire. (...)
Plusieurs familles de Metsamor s’interrogent sur des handicaps affectant leurs enfants. Rostom (à droite sur la photo) est lourdement retardé mentalement. « Sa maladie ne peut pas être génétique, car nous n’avons aucun cas similaire, ni dans ma famille ni dans celle de mon mari », explique sa mère Tsovinar Harutyuanyan. « Mon mari travaille à la centrale en tant que conducteur d’engins. Un accident s’est peut-être produit dans la zone dangereuse », avance-t- elle. (...)
La plupart des habitants ne semblent pas inquiets, et s’en remettent à l’intervention régulière de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), dont l’aura semble les rassurer. « Aucun problème n’a jamais eu lieu » à en croire Emilia, qui travaille à Metsamor depuis 1977 en tant que technicien-décontaminateur. (...)
En cas de rejet radioactif, la polyclinique de Metsamor serait le premier établissement de soins sollicité. Les étages supérieurs du bâtiment sont délabrés, les murs entièrement moisis et présentent de larges trous. Les infirmières se plaignent de fuites dans le toit. Un jeune médecin qui préfère garder l’anonymat ironise ainsi : « La moyenne mondiale des maladies nosocomiales est de 3 % par établissement. Ici c’est sûrement plus. L’été, il y a aussi des serpents et des scorpions dans le jardin. » (...)