
Malgré le changement climatique qui hypothèque l’avenir du ski, la vallée savoyarde de la Maurienne prévoit de nouvelles pistes, télésièges et constructions. Un pari économique très incertain et non sans dommages sur la biodiversité et les paysages.
Que sont devenues les marmottes d’Albiez-Montrond ? Dans cette petite station de ski de la vallée de la Maurienne, il y a désormais, en lieu et place des anciens terriers, une fosse béante. Tout autour, tractopelles et camions-bennes terrassent la future piste baptisée Directissime, qui viendra prolonger le domaine skiable de cette station savoyarde. Ces terriers étaient-ils inhabités, comme l’affirme la mairie ? Des marmottes en hibernation ont-elles été enterrées vivantes par les engins de chantier, comme le craignent des associations locales ? Impossible de trancher, mais le sort de ces petits mammifères a vivement ému sur les réseaux sociaux et dans les médias. Une pétition pour « sauver les marmottes d’Albiez-Montrond » a recueilli plus de 33.000 signatures. Les paisibles plantigrades sont devenus le symbole d’une biodiversité sacrifiée sur l’autel du « tout-ski », alors que les projets de remontées mécaniques, de nouvelles pistes et de constructions touristiques se multiplient dans cette vallée alpine. (...)
Pour le maire d’Albiez-Montrond, l’extension du domaine skiable est une question de vie ou de mort pour la station. Plombée par la baisse de fréquentation et des saisons d’enneigement de plus en plus aléatoires, elle a vu sa rentabilité s’effriter. Il y a deux ans, le département a repris les remontées mécaniques, qui étaient gérées par la municipalité, les sauvant in extremis de la faillite
« Si la station ferme, on n’a plus rien. »
Face à cette écrasante menace, les marmottes pourront bien aller hiberner ailleurs. Le projet d’unité touristique nouvelle (UTN) d’Albiez s’appuie d’ailleurs sur une étude environnementale qui ne mentionne nullement la présence de ces animaux. (...)
En 2017, une étude plus poussée, réalisée sur les domaines skiables d’Albiez et des Karellis pour un projet similaire, évoquait une faune autrement plus abondante : 61 espèces de papillons, 53 d’oiseaux, huit de mammifères, avec notamment des aigles royaux, des vautours fauves, des tétras lyre, des tritons alpestre, des chamois, ou encore… des marmottes.
Outre le projet d’Albiez-Montrond, cinq autres extensions de stations de ski ont été inscrites dans le Scot (schéma de cohérence territoriale) de la vallée de la Maurienne, approuvé en février 2020. Ce document planifie les grandes orientations de développement du territoire pour les dix ans à venir : environnement, urbanisme, agriculture, tourisme…
Une orientation qui semble négliger les dommages qu’elle provoque sur la biodiversité et les paysages de la Maurienne (...)
« Tous ces aménagements ne font que poursuivre un vieux rêve, alors que l’âge d’or du ski est passé », déplore Jean-Luc Ottenio, président de l’association La Harde, qui milite du côté de la station des Karellis. (...)
Plusieurs associations environnementales ont attaqué le Scot et ses « unités touristiques nouvelles » dans un recours validé le 5 août. Elles prônent une diversification du paysage économique : tourisme vert, stages de remise en forme, classes nature, séminaires, centres de réinsertion, mais aussi production agricole et petite industrie locale… Même si cette volonté de diversification apparaît dans le Scot, et traverse l’esprit de nombreux élus, elle semble ne pas faire le poids face au modèle, toujours dominant, de l’industrie du ski. (...)