
Le vote du 12 septembre appelant au déclenchement de sanctions sans précédent contre la Hongrie de Viktor Orbán conforte la vulgate anti-migrants et antidémocratique du dirigeant magyar.
(...) Pendant que l’écologiste batave à l’origine du texte fondait en sanglots et recevait les félicitations de quelques collègues, Orbán est resté flegmatique –comme s’il avait déjà tourné la page. (...)
Conséquences bien incertaines
Le leader hongrois sait que ce vote n’ira pas plus loin, bien qu’il ait été lâché sur ce coup par une large frange du Parti populaire européen (PPE), étiquetté centre-droit, auquel sa formation Fidesz appartient.
Jamais les vingt-sept ne valideront cette « option nucléaire » contre Budapest, qui doit être ratifiée à l’unanimité : le groupe de Visegrád (République tchèque, Slovaquie, Pologne) protègera à n’en pas douter son quatrième membre.
Et même si la volonté d’exclure le parti d’Orbán est montée crescendo au PPE, le groupe chrétien-démocrate a besoin des douze eurodéputées et eurodéputés Fidesz pour espérer garder le contrôle de l’hémicycle en mai 2019. (...)
Absolument pas refroidi par le verdict strasbourgeois, Orbán n’a en rien l’intention de calmer le jeu. Ce vote avant tout symbolique lui permet de renforcer sa posture de victime de l’Ouest et de bouclier anti-migrants illégaux de l’espace Schengen qu’il étrennera jusqu’au matin des élections européennes.
Son gouvernement vient d’ailleurs de sortir un spot offensif affirmant « défendre la Hongrie » contre le « parti de l’immigration » auquel il associe l’eurodéputé libéral Guy Verhofstadt, rarement avare de critiques envers l’homme fort de Budapest, Sargentini elle-même et l’ennemi de son régime, George Soros.
Parallèlement, Viktor Orbán a dénoncé lundi 17 septembre une « invasion migratoire » au parlement de Budapest en guise de rentrée politique. Le leader hongrois cultive également son amitié nucléaro-gazière avec Vladimir Poutine, rencontré le lendemain au Kremlin pour la septième fois depuis le début du conflit ukrainien en 2014. (...)
Mercredi 19 septembre, Orbán a annoncé contester la validité du vote du rapport Sargentini, qu’il considère comme une « collection de mensonges », auprès de la Cour européenne de justice. Le Hongrois maintient sa ligne dure, et ses alliés « illibéraux » Matteo Salvini, Laurent Wauquiez, Nadine Morano ou Geert Wilders louent l’anti-Macron autoproclamé.(...)
En bon tacticien, Orbán garde la main chez lui comme en Europe. Sa blitzkrieg idéologique contre le « parti du migrant » au nom des intérêts et de la protection de la Hongrie lui offre des sommets de popularité chez la population magyare rurale et conservatrice, fière de son leader défiant l’Ouest sans sourciller.
Ses diatribes anti-Bruxelles et son ambition de remodeler l’Union selon ses vues chrétiennes et autoritaires enchantent les ultras de Londres à Sofia, tout en polarisant la droite modérée en crise. Orbán villipende le « chantage » de l’Europe, mais retourne ingénieusement le procédé à son avantage. (...)
Triomphalement réélu en avril pour la troisième fois de suite à la tête de son pays en intrumentalisant la crise migratoire et en profitant du délitement de l’opposition, Viktor Orbán semble avoir remisé sa fameuse « danse du paon » alternant compromis avec Bruxelles et tirades anti-Europe à Budapest.
À huit mois des élections européennes, le pouvoir clientélise l’économie, tente de réduire au silence les ONG et laisse des policiers violenter impunément des migrantes et migrants arrêtés à la limite de la Serbie, pendant que les dirigeantes et dirigeants de l’Union parlent frontières et sécurité au sommet de Salzbourg. Et pour couronner le tout, le PPE lui aussi réuni en conclave dans la ville de Mozart a refusé de se séparer du bien utile Orbán. Comme si de rien n’était.