Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
Malbouffe et sédentarité... notre mode de vie a aggravé la pandémie
Article mis en ligne le 9 juin 2020
dernière modification le 8 juin 2020

Une épidémie peut parfois en cacher une autre, plus profonde, moins visible. Car le virus Sars-CoV-2 a crû sur un terreau fertile, il a proliféré sur les dérives de notre société d’abondance, son modèle agro-industriel et ses pollutions chimiques. Depuis plusieurs décennies, les maladies dites « de civilisation » comme l’obésité, le diabète, l’hypertension ou les cancers ont explosé du fait de notre mode de vie — la malbouffe, le stress, la sédentarité. Elles nous ont rendus collectivement plus vulnérables aux chocs, moins résilients aux virus.

On estime que 90 % des personnes qui sont mortes du Covid-19 présentaient une ou plusieurs comorbidités. Les patients atteints de pathologies chroniques ont plus de risque de souffrir de complications. Début avril, une étude parue dans la revue Obesity, révélait que 75 % des patients admis aux soins intensifs du CHU de Lille étaient obèses et que 85 % des obèses sévères avaient dû être intubés. En d’autres mots, ce n’est pas seulement l’âge mais surtout l’état de santé métabolique des personnes infectées qui a compté. Et les obèses et les diabétiques, même jeunes, ont été en première ligne. Ils ont subi, selon les mots d’Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif national des associations d’obèses, « un massacre, une véritable détresse ».

Reporterre revient sur ces éléments qui révèlent, en creux, la faiblesse des politiques de santé environnementale.

Une épidémie peut parfois en cacher une autre, plus profonde, moins visible. Car le virus Sars-CoV-2 a crû sur un terreau fertile, il a proliféré sur les dérives de notre société d’abondance, son modèle agro-industriel et ses pollutions chimiques. Depuis plusieurs décennies, les maladies dites « de civilisation » comme l’obésité, le diabète, l’hypertension ou les cancers ont explosé du fait de notre mode de vie — la malbouffe, le stress, la sédentarité. Elles nous ont rendus collectivement plus vulnérables aux chocs, moins résilients aux virus.

On estime que 90 % des personnes qui sont mortes du Covid-19 présentaient une ou plusieurs comorbidités. Les patients atteints de pathologies chroniques ont plus de risque de souffrir de complications. Début avril, une étude parue dans la revue Obesity, révélait que 75 % des patients admis aux soins intensifs du CHU de Lille étaient obèses et que 85 % des obèses sévères avaient dû être intubés. En d’autres mots, ce n’est pas seulement l’âge mais surtout l’état de santé métabolique des personnes infectées qui a compté. Et les obèses et les diabétiques, même jeunes, ont été en première ligne. Ils ont subi, selon les mots d’Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif national des associations d’obèses, « un massacre, une véritable détresse ».

Reporterre revient sur ces éléments qui révèlent, en creux, la faiblesse des politiques de santé environnementale. (...)

« L’âge masque les disparités sociales et l’explosion des maladies chroniques » (...)

même des enfants en surpoids sont à risque face au Covid-19. Une étude étasunienne portant sur 48 enfants atteints du virus et hospitalisés aux soins intensifs a montré que l’obésité représentait la principale comorbidité observée chez ces jeunes patients, à l’exception des maladies congénitales et du cancer. (...)

Quand on superpose, en France, les cartes de la propagation du virus, celle du chômage et celles des maladies chroniques, elles sont étonnamment semblables. Le Bassin parisien et l’Est, régions fortement touchées par le coronavirus, sont aussi celles qui, avec les Hauts-de-France, sont les plus concernées par l’épidémie d’obésité : 21,5 % de la population en 2012 selon la dernière estimation de l’étude Obépi, avec une progression de 61,5 % depuis 1997. (...)

Corrélation ne vaut pas causalité. Mais ces exemples montrent que « le Covid-19 frappe de façon différenciée selon le statut social et l’état de santé préalable de la population. Il y a vingt ans, avant l’explosion des maladies chroniques, nous aurions bien mieux résisté au virus », estime André Cicolella.

Le poids des maladies chroniques explique aussi, en partie, l’ampleur de la crise sanitaire aux États-Unis, où le Covid-19 a fait plus de 100.000 morts. « D’autres facteurs comme la gestion catastrophique de Trump sont en jeu », nuance la docteure Cyrielle Chaussy, mais indéniablement, « les deux épidémies du coronavirus et de l’obésité se sont rencontrées et potentialisées ».

« Les obèses ont subi un déchaînement de violence » (...)

Beaucoup d’obèses étaient paniqués. La plupart se sont enfermés pendant deux mois chez eux, dans le stress et l’isolement. Certains ont fait des tentatives de suicide. Ceux qui sont tombés malades ne s’en sont toujours pas remis. L’intubation entraîne des séquelles lourdes. On prend 20 ans en pleine face ! On doit réapprendre à marcher, à parler, à s’alimenter. Le Covid-19 nous a écrasés.

Pire, une fois le lien établi entre l’obésité et le Covid-19, « les gros ont subi un déchaînement de violence. On nous a accusés de saturer les hôpitaux, de propager la maladie », raconte Gabrielle Deydier, auteure du livre On ne naît pas grosse, qui a observé pendant le confinement « une recrudescence des actes grossophobes » (...)

Les gens pensent encore que l’obésité est liée à des comportements individuels parce que l’on ne fait pas assez d’activité physique ou que l’on mange trop. Mais, en réalité, c’est une maladie. Elle doit être reconnue comme telle. Cela ne viendrait à l’idée de personne de se moquer de quelqu’un qui a une insuffisance rénale ou un cancer, alors pourquoi le fait-on pour les gros ?

« Il va falloir mener une révolution dans nos modes de vie »

L’explosion des maladies chroniques ne vient pas de nulle part. Elle est directement associée à notre mode de vie. « On a tout dénaturé, notre manière de se déplacer, de manger, de travailler. Les obèses en sont les premières victimes. Ils font aussi souvent partie des populations les plus défavorisées et les plus pauvres », pense Gabrielle Deydier.

Plusieurs études ont montré que l’exposition aux perturbateurs endocriniens et aux pesticides favorisait le risque d’obésité. Tout comme la pollution atmosphérique et l’alimentation ultratransformée. (...)

Avec le réseau Santé Environnement, le médecin invite à changer de paradigme : « On va revaloriser les salaires des infirmiers et des hospitaliers, c’est très bien, mais on gère le problème par le bout du tuyau. Encore une fois, on ne fait pas de prévention. Comment explique-t-on que les hôpitaux aient pu être débordés ? Pourquoi a-t-on plus de malades ? Nous devons proposer une vision globale de la santé, qui ne se résume pas seulement au système de soin. »

La bataille s’annonce rude. (...)