
Se fondant sur un objectif de réduction de la part des énergies fossiles, le ministère de l’Écologie a fait appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui avait annulé l’abrogation d’un permis de recherche de gaz de schiste. Jugeant « essentielle » la motivation du ministère, l’auteur de cette tribune exhorte Ségolène Royal a aller plus loin encore, car de nombreux projets de recherche sont toujours en cours.
Le permis exclusif de recherche d’hydrocarbures liquides ou gazeux dit de « Montélimar » obtenu par Total en mars 2010 avait été abrogé en octobre 2011, suite à la loi Jacob interdisant la fracturation hydraulique. Total avait déclaré rechercher du gaz de schiste en utilisant la fracturation, pour ensuite, après la promulgation de la loi, modifier ses déclarations techniques dans un second rapport mentionnant qu’il ne l’utiliserait pas. L’entreprise entendait conduire son exploration « au moyen de techniques existantes et de techniques de stimulation aujourd’hui admises au plan opérationnel, en cours d’expérimentation ou encore au stade de la recherche ». Total avait pris soin d’indiquer que sa recherche de gaz et d’hydrocarbures non conventionnels ne constituait qu’un « élément innovant mais non exclusif » du permis d’exploration. Elle avait joué habilement sur le fait que la loi Jacob n’interdisait pas l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de schiste et sur l’absence de définition de la fracturation en termes juridiques, permettant à toutes les techniques présentées comme « alternatives » à la fracturation d’échapper à la loi. Dans ces conditions, Total avait des chances de retrouver la validité de son permis, ce qu’a confirmé le jugement du tribunal administratif, le 28 janvier dernier.
Mais la ministre de l’Écologie et de l’Énergie, Ségolène Royal, a décidé de faire appel de ce jugement, ce qui prolonge la procédure juridique et laisse en suspens le fait que Total puisse récupérer ou non son permis, la décision de le réattribuer appartenant au ministère.
La nécessité de laisser 80 % des hydrocarbures dans le sol
Ce n’est pas tant cette décision de faire appel qui est essentielle, mais ce qui l’a motivée, la ministre justifiant que la loi sur la transition énergétique « rend nécessaire une révision globale de la politique en matière d’exploration d’hydrocarbures pour s’inscrire durablement dans la lutte contre le changement climatique ». Elle prend acte de vouloir réduire la part des énergies fossiles, comme elle l’a affirmé lors d’un récent débat parlementaire, prenant la position de « ne plus délivrer d’autorisation de recherche d’hydrocarbures conventionnels ». (...)
Il est grand temps que la ministre joigne les actes à la parole. Au-delà du permis de Montélimar, il y a de nombreux autres permis exclusifs de recherche situés dans le bassin parisien ou dans d’autres régions, qui sont en cours d’instruction ou qui attendent une décision ministérielle [1]. Les industriels se sont aussi engagés à ne pas recourir à la fracturation hydraulique pour conserver leurs permis, alors que les objectifs géologiques visaient des hydrocarbures de schiste.
Comment peut-on justifier le besoin d’aller vérifier la présence d’hydrocarbures dans notre sous-sol quand les scientifiques rappellent la nécessité de laisser 80 % des hydrocarbures dans le sol, pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2 °C ? (...)
La société civile est à nouveau mobilisée pour demander à la ministre d’aller jusqu’au bout de ses engagements, en interdisant l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de schiste et en s’orientant vers une sortie des énergies fossiles. Les collectifs citoyens opposés à ceux-ci, soutenus par de nombreuses associations nationales et internationales, le lui rappelleront, lors du rassemblement à Barjac (Gard) le 28 février.