
Un collectif rassemblant plus de 350 acteurs du monde universitaire et culturel dénonce dans une tribune au « Monde » les mesures mises en place à la BNF, qui conduisent à une sévère réduction du temps pendant lequel la consultation des ouvrages est possible.
En mars, Laurence Engel, présidente de la Bibliothèque nationale de France (BNF), annonçait une réduction drastique, absolument stupéfiante, de la mission scientifique qui incombe à l’institution qu’elle est chargée de protéger, mission historique assurée pourtant sans faillir par un service public d’exception depuis son inauguration en 1996. Jusqu’en mars, lectrices et lecteurs pouvaient en effet consulter librement sur le site François-Mitterrand, au rez-de-jardin, des ouvrages en communication directe toute la journée, de 9 heures à 17 heures. Ces conditions, inchangées depuis l’ouverture, appartiendraient désormais au passé.
Désormais, depuis le 2 mai, les lectrices et les lecteurs de la bibliothèque de recherche ont l’autorisation de commander et de consulter directement les ouvrages conservés dans les riches magasins de l’institution seulement durant trois heures trente les après-midi, de 13 h 30 à 17 heures, trois heures trente sur onze heures d’ouverture quotidienne pour accéder directement à ces ouvrages. Trois heures trente seulement pour choisir de lire tel livre plutôt qu’un autre. Trois heures trente seulement pour accueillir les imprévus de la pensée, pour choisir les ouvrages consultés, pour lire librement les livres qu’on a besoin de lire.
Pourquoi imposer un temps à ce point étriqué alors même que le temps de la pensée, on le sait, est un temps long, fécond en raison de sa durée justement ? (...)
Cette réforme des communications est imposée du sommet de la direction de la Bibliothèque nationale de France, pour des raisons comptables et managériales (...)
Recherches entravées
Malheureusement, pour porter tous ces projets, elle bénéficie d’effectifs à peine stabilisés après une dramatique déperdition de personnel au cours de la dernière décennie : 15 % de baisse, et 25 % chez les magasiniers chargés du service public. Son choix est donc de multiplier les missions de prestige en employant un personnel autrefois dévoué à la mission de la lecture à une politique d’expansion qui n’a rien à voir avec la lecture.
Cette réforme des communications fait l’unanimité contre elle. Unanimité des lectrices et lecteurs aux recherches entravées. Unanimité du personnel de toutes catégories aux conditions de travail très difficiles et qui sont soumis à des rythmes intenables. Les raisons de la colère #bnfgate [nom donné à la réforme par ses opposants] sont multiples. (...)