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Non-Fiction
Machiavel, compagnon de la pensée par gros temps
Il s’agit de la publication des chroniques sur Machiavel que Patrick Boucheron, professeur au Collège de France et auteur de Léonard et Machiavel1, avait données sur les ondes de France Inter durant l’été 2016.
Article mis en ligne le 10 juin 2017
dernière modification le 7 juin 2017

(...) On débat depuis toujours pour savoir si l’auteur entendait par ce livre, qui ne paraîtra qu’après sa mort en 1532, enseigner aux puissants ou instruire les peuples contre ceux-ci. La dernière partie du livre, alors qu’il avait consacré les précédents chapitres à disserter des différents types de principautés, des moyens de les conquérir et de les conserver, s’attache en effet à décrire les vertus qui font du prince le virtuose sans scrupule parce que tenant compte des réalités concrètes de sa propre conservation. Décrire avec exactitude les choses qui arrivent, nommer la pratique du pouvoir, et laisser à ceux qui le voudront bien le soin d’en tirer des règles d’action, voilà ce qu’il faudrait surtout retenir de ce geste inaugural, nous dit Boucheron.

(...) Des Discours sur la première décade de Tite-Live, un livre resté inachevé, où l’on peut voir un pendant républicain du Prince, qui ne sera, lui aussi, publié qu’à titre posthume, en même temps que ce dernier, émerge surtout, dit Boucheron, l’idée de souveraineté populaire, avec toutes ses ambiguïtés : « Reconnaître sa légitimité – c’est la base de toute république – engage une anthropologie politique de la nature de l’homme. C’est elle que vise Machiavel. » . Et Boucheron d’en reconstituer alors le motif dans un court passage où il réussit à faire entendre l’art de la disjonction du florentin : « Qu’est ce que le peuple ? Une opinion. Cette opinion est-elle fondée ? Non, le plus souvent elle est erronée. Pourquoi l’est-elle ? Parce que le peuple voit les choses de loin. Qu’est ce qu’une république ? Le régime qui tient compte de cette opinion, même lorsqu’elle n’est qu’émotions et préjugés. Comment peut-on être encore républicain ? En permettant au peuple de s’approcher de la réalité du pouvoir, pour qu’il voie les choses de près, et ne se laisse plus tromper par les idées générales. ».

Car le peuple connaît ce qui l’opprime, et la république est ainsi fondée sur la discorde (une idée que Machiavel tire de sa lecture de Tite-Live), elle est l’agencement pacifique – parce que équilibré – entre deux aspirations, celle du peuple de ne pas être dominé et celles des grands de le dominer au contraire . (...)

sa lecture accompagnera les périodes plus ou moins noires de la République, « non pour les prévenir, mais pour nous apprendre à penser par gros temps » , nous dit Boucheron. Et l’actualité devrait nous inciter à nous y replonger : « De l’été 2016 à l’été 2017, et pas seulement en France, tous les pronostics politiques auront été systématiquement déjoués, comme si la joie mauvaise des peuples contre ceux qui prétendent contraindre leurs choix en les présentant par avance comme inéluctables s’était transformée en vindicte féroce. » « Machiavel (…) permet de comprendre comment l’énergie sociale des configurations politiques déborde toujours les sages ordonnancements dans lesquels on prétend les enfermer » On pourra lire ici l’interview où il tire plus directement encore les conclusions de ce travail pour penser la situation actuelle. (...)