
Médecin des hôpitaux et pneumologue, Irène Frachon relate le chemin semé d’embûches qu’elle a dû parcourir pour obtenir, en novembre 2009, des autorités sanitaires françaises le retrait d’un médicament, le Mediator, commercialisé depuis 1976 comme adjuvant chez les diabétiques. Produit du laboratoire français Servier, la molécule (benfluorex) appartient à une famille cousine des amphétamines utilisées comme coupe-faim. Elle avait échappé à l’interdiction frappant, en 1997, des médicaments de cette classe, comme l’Isoméride, lui aussi fabriqué par Servier, en raison d’un effet indésirable grave : une hypertension artérielle pulmonaire, une maladie habituellement rare, souvent mortelle.
(...) Défendre le consommateur n’est pas une sinécure. Les laboratoires Servier ont obtenu en référé, le 7 juin, le retrait d’une partie du titre du livre. Le jugement du tribunal de grande instance de Brest admet que la mention "Combien de morts ?", qui figure en sous-titre, jette un "discrédit" sur l’image du laboratoire, "entrave son activité et porte atteinte à ses droits".
Une nouvelle édition portant en lieu et place la mention "Sous-titre censuré" a été publiée par l’éditeur, qui a fait appel de la décision. Dans une pétition, une trentaine d’éditeurs, parmi lesquels Françoise Nyssen, Olivier Nora, Olivier Rubinstein, Isabelle Laffont, Paul Otchakovsky-Laurens ou Anne-Marie Métailié, dénoncent une censure économique et apportent leur soutien à l’auteur et à l’éditeur-libraire Charles Kermarec.