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M. Macron, président de la Négation écologique
Edito de Hervé Kempf
Article mis en ligne le 5 septembre 2018

La nomination de M. de Rugy comme ministre et l’absence de réaction du pouvoir à l’appel de Nicolas Hulot sont un révélateur : il n’y a pas de compromis possible entre le néolibéralisme et une politique écologique. Et il n’y a rien à attendre du pouvoir qui ne serait pas gagné par la lutte.

Surprise : tout ça pour ça. Après le choc émotionnel du départ de Hulot et la lumière fortement projetée sur la gravité de la situation écologique, on attendait candidement un « geste fort », la nomination d’un(e) écologiste engagé, les signes d’un changement de cap. Le réveil est dur : voici M. Eau tiède, carriériste, anti-zadiste, et qu’au mieux, on pourrait qualifier d’écolo de centre droit.

Mais on doit en fait remercier M. Macron de sa franchise. Qu’espérait-on ? Que saisi par la grâce de la parole du prophète Hulot et du cri populaire pour plus d’écologie, il connaîtrait son chemin de Damas ? C’est mal comprendre la réalité du pouvoir : M. Macron n’est pas un décideur autonome, il est l’élu de la banque, de la finance, des classes dominantes, qui entendent moins que jamais renoncer à leur politique néolibérale. Il a donc nommé un ambitieux opportuniste, habile politique, qui saura ne jamais se mettre en contradiction avec les orientations du pouvoir oligarchique.

Cela n’empêchera pas que, pour amuser la galerie, on continuera à prétendre que l’écologie est la priorité, que la transformation est en route, que tout change. (...)

la séquence Hulot-de Rugy permet de tirer une leçon : la recherche du consensus en matière écologique est illusoire. Avant d’accepter d’entrer au gouvernement, Nicolas Hulot connaissait l’impossibilité de mener à la fois une politique néolibérale et une politique écologique. « La violence capitaliste a colonisé tous les cercles du pouvoir », écrivait-il sans barguigner dans Osons, en 2015, soulignant « la mystification qui fait croire que le changement et la solidarité sont possibles » quand on laisse libre champ à « une industrie de la finance qui ignore l’intérêt général ». M. Hulot a cependant cru que le consensus était possible, il a cru que s’allier à M. Macron permettrait de faire progresser les choses, alors que tant le passé de banquier du nouveau président que son action comme ministre de l’Économie montraient clairement qu’il se rangeait du côté de l’ « industrie de la finance ».

Il n’y a pas ici d’« en même temps » : c’est soit l’un, soit l’autre. Soit le néolibéralisme, soit l’écologie (...)

Si l’on peut déplorer que M. Hulot n’ait pas été cohérent avec ce qu’il savait dès mai 2017, si l’on peut admettre qu’il a voulu expérimenter le caractère surmontable de cette contradiction, on peut lui faire honneur d’avoir tiré la conséquence de son échec. Il n’y a pas ici d’« en même temps » : c’est soit l’un, soit l’autre. Soit le néolibéralisme, soit l’écologie. (...)

Un consensus s’est opéré — parmi les écologistes, et plus largement dans une large partie de la société — sur le fait que la gravité de la crise écologique est historique, et que la laisser s’amplifier conduirait à une catastrophe mondiale et durable. On entend souvent évoquer, pour rendre sensible une telle perspective, la comparaison avec la Deuxième Guerre mondiale. Rappelons que c’est l’écologiste Lester Brown qui le premier, il y a plus de vingt ans, a recouru à cette comparaison.

Mais l’on n’en tire que rarement les conséquences. À savoir que la gravité historique de telles situations est engendrée par une opposition entre groupes humains : naguère entre le nazisme et les alliés, aujourd’hui… entre les zélateurs du capitalisme et l’ensemble de celles et ceux qui en subissent les conséquences. Entre les zélateurs du capitalisme et celles et ceux qui risquent demain de souffrir du chaos climatique et de l’écroulement de la biodiversité. C’est bien une guerre qui est en jeu : « la guerre des classes », comme l’avait reconnu dès 2005 le milliardaire Warren Buffet, des capitalistes contre les écologistes, des riches contre les pauvres. Il faut en tirer les conséquences dans la lutte contre la destruction du monde : il n’y a pas de compromis possible. Et seule la lutte déterminée peut faire dévier les pouvoirs du chemin de la catastrophe.