
Mardi 11 octobre, sept membres du collectif anti-pub les Déboulonneurs étaient convoqués au tribunal. Ils sont accusés d’avoir inscrit des messages anti-pub sur des panneaux publicitaires numériques. Ils ont plaidé la liberté d’expression et l’état de nécessité face aux dangers de la publicité.
« Nous dénonçons l’emprise de la publicité dans l’espace public. » Henri, 28 ans, à la barre de la 10e chambre du Tribunal correctionnel de Paris, mardi 11 octobre, est bien décidé à défendre le sens de son action. La présidente du tribunal, visiblement excédée et fatiguée après déjà plus de quatre heures d’audience (il fallait traiter d’autres affaires avant), ne lui en laissera pas l’occasion : « Non, çà c’est le mobile. Pour vous exprimer, il y a les médias, les tribunes. Le tribunal n’est pas là pour s’exprimer. Que faisiez-vous ce jour-là ? »
Ce jour-là, c’est le 2 mai 2015. Les membres du collectif des Déboulonneurs se retrouvent place d’Aligre, dans le XIIe arrondissement de Paris. Le mégaphone, les affichettes, les tracts et les bombes de peinture, tout est prêt. Arrivé Gare de Lyon vers 15 h 30, le petit groupe file directement vers le hall 2. Là, cinq d’entre eux inscrivent des messages anti-pub - « Attention à la pub en descendant du train », « Liberté de réception » ou encore « La pub pollue nos rêves » - sur huit panneaux publicitaires numériques situés à proximité des voies 17 et 19. (...)
Apparus en 2008 dans les gares et les métros parisiens (ils restent pour l’heure interdits en surface), ces écrans cristallisent l’opposition du collectif anti-pub qui réclame leur interdiction. « Impossible d’y échapper, leur reproche Raphaël, un des prévenus. Des chercheurs en neurosciences ont mis en évidence le fait que nous avons le réflexe de tourner les yeux vers ce qui bouge, ce qui est lumineux. On est obligé de regarder et de réceptionner le message publicitaire, ce qui constitue une atteinte à nos libertés démocratiques. »
Troubles de l’attention et obésité sont favorisés par la publicité (...)
Au tribunal, le sermon continue. « Vous dites oeuvrer pour le bien public, donc vous êtes censeur et vous décidez de ce qu’est le bien public. De quel droit ? », s’entête la présidente. « Mon droit de citoyen, lui rétorque Henri. Et si je puis me permettre, vous décrivez mal l’ambiance qui entourait cette action. » « Délicieuse ambiance en effet, puisque vous avez applaudi à votre propre interpellation », ironise la magistrate. (...)
Christine, fine et vive dans son manteau rouge, puise dans d’anciens réflexes d’avocate pour contester la qualification de son infraction : « Je n’ai pas barbouillé, j’ai inscrit des phrases qui ont du sens. En fait, j’ai écrit la vérité sur des mensonges. Je n’ai donc pas dégradé les panneaux publicitaires, je les ai regradés. » La pirouette arrache un sourire à la présidente. « Le problème, c’est que vous connaissez la sécheresse du Code Pénal, maître, réplique-t-elle. C’est beaucoup moins bucolique ! » (...)
En attendant de savoir quel sera leur sort, les Déboulonneurs ont filé au bistrot le Chat noir, où une soirée de soutien leur était organisée. Le jugement sera rendu le 9 novembre.