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Loups : l’État ne voit pas plus loin que le bout du fusil
Article mis en ligne le 7 juillet 2022

La population française de loups vient d’être estimée à 921 individus et les autorités veulent en tuer 174. Selon les éthologues, ces abattages aggravent une situation marquée par la mécompréhension de ce canidé.

« Un loup observé dans le Finistère : une première depuis plus d’un siècle » ; « le loup est de retour en Île-de-France » ; « attaques de loups en Limousin ». Dans les gazettes locales, le constat est partout le même. L’emblématique roi des forêts escarpées ne se cantonne plus au massif alpin. De la Somme aux Pyrénées atlantiques, il vagabonde en quête de nouveaux territoires. (...)

Fantôme aux crocs blancs, le loup attise la fascination autant que les peurs ancestrales. Pourtant, depuis son retour dans l’Hexagone en 1992, jamais une attaque sur l’homme n’a été rapportée. Dissimulé entre arbres et rochers, il est devenu presque impossible à observer. Empreintes, poils, déjections… Les agents de l’OFB s’en remettent aux indices laissés sur son chemin pour établir une estimation approximative. Et celle-ci déplaît fortement aux syndicats d’éleveurs, chasseurs et maires de villages ruraux. (...)

Si ce chiffre cristallise autant de tensions, c’est parce qu’il détermine le nombre d’animaux à abattre. Façonné par le ministère de la Transition écologique sous Nicolas Hulot, le Plan national d’action 2018-2023 sur le loup prévoit en effet qu’un maximum de 19 % de la population soient abattus chaque année. En 2022, quelque 174 individus pourront ainsi être tués par le service d’État spécialisé, contre 118 prévus initialement. La FNSEA et le syndicat des Jeunes agriculteurs en réclament 300. (...)

Aux yeux de Pierre Jouventin, éthologue auteur de Le Loup, ce mal-aimé qui nous ressemble, ces décomptes « artificiels » seraient un camouflage scientifique sur fond de querelles politiques : « 624, 921, 1200… Ça ne veut rien dire. Compter les loups, ce n’est pas aussi facile que de compter les moutons. D’autant que les agents de l’OFB, aussi sérieux soient-ils, sont pris en sandwich. » (...)

Sous le seuil de prélèvement des loups, se cache l’enjeu de la protection du bétail. (...)

« Quand on abat le couple dominant, c’est toute la meute qu’on fait exploser »

Une étude, parue dans Global ecology and conservation, comparant les méthodes de défense contre le loup, pointe cependant l’inefficacité, voire la contreproductivité, de l’abattage. « Quand on abat le couple dominant, c’est toute la meute qu’on fait exploser », détaille Pierre Jouventin. Les loups dominés partent alors dans toutes les directions, à la recherche d’un nouveau territoire et d’un conjoint pour fonder une famille. « D’une meute centrée sur un territoire de 200 à 300 km² dans les Alpes, on obtient donc des loups errants dans toute la France. On fait exactement l’inverse de ce qu’il faudrait faire… »

Induite ou non par ces régulations à l’aveugle, l’expansion du loup expose des territoires insoupçonnés à la menace de la prédation. (...)

« L’anticipation n’est pas en place, on est complètement en retard, se désole Annabelle Wurbel, membre de la commission prédation à la Confédération Paysanne. Il faut deux ans à un chien de protection pour apprendre à bien surveiller un troupeau. Nous ne sommes ni formés, ni informés. Humainement, ça va être dur à vivre… »

Éleveuse de chèvres dans la Drôme, elle déplore que le budget du Plan national d’action n’augmente pas : « Les moyens ne sont pas à la hauteur des problèmes qui avancent droit vers nous. » La Confédération paysanne milite notamment pour que le Cercle 3 soit déployé sur l’ensemble du territoire. Instauré sur les zones d’expansion possible du loup, ce dispositif encourage la mise en place d’actions de prévention, tel que l’achat de patous, indemnisé à 80 %. « Nous devons affiner nos moyens de protection et pour cela, il faut développer la recherche. On a besoin de connaître et de comprendre les loups », conclut Annabelle Wurbel.

« Plus on tue de loups, plus on subit d’attaques »

Si la Confédération paysanne refuse de faire du loup un tableau de chasse, elle demande à ce que des tirs soient effectués pour répondre aux dégâts sur les troupeaux. (...)

Une volonté à laquelle Pierre Jouventin s’oppose : « Les meutes sont très organisées. Une fois les adultes expérimentés abattus, les survivants esseulés se retrouvent incapables de chasser le gibier sauvage. Les jeunes loups ne connaissent pas les techniques pour attraper un cerf ou un sanglier. Alors que font-ils ? Ils se rabattent sur des proies faciles. »

L’éthologue l’assure : en Espagne, en Italie et en Roumanie, où les loups sont bien plus nombreux qu’en France, le trio bergers-patous-clôtures fonctionne parfaitement. (...)

Une volonté à laquelle Pierre Jouventin s’oppose : « Les meutes sont très organisées. Une fois les adultes expérimentés abattus, les survivants esseulés se retrouvent incapables de chasser le gibier sauvage. Les jeunes loups ne connaissent pas les techniques pour attraper un cerf ou un sanglier. Alors que font-ils ? Ils se rabattent sur des proies faciles. »

L’éthologue l’assure : en Espagne, en Italie et en Roumanie, où les loups sont bien plus nombreux qu’en France, le trio bergers-patous-clôtures fonctionne parfaitement. (...)