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L’OBS
"Les violeurs ne sont pas les autres"
Pauline Arrighi, ex-porte-parole d’Osez le féminisme, créatrice du blog "Je connais un violeur" et formatrice à l’égalité femmes-hommes.
Article mis en ligne le 5 mars 2018
dernière modification le 4 mars 2018

"Les agresseurs ne sont pas une infime minorité de monstres qui vivent au fond des bois", explique la militante féministe Pauline Arrighi.

Au-delà de la querelle des chiffres déclenchée par les propos de Caroline De Haas sur le viol, il est temps d’accepter le fait que "les agresseurs sont nombreux, insérés socialement et impunis", écrit Pauline Arrighi, militante féministe et ex-porte parole d’Osez le féminisme. Tribune.

Le mouvement #metoo a montré que les victimes de violences sexuelles étaient nombreuses. Caroline De Haas, de façon simplement logique, a exprimé une évidence : si les victimes sont nombreuses, si elles sont présentes dans tous les milieux, les agresseurs sont eux aussi très nombreux et présents dans tous les milieux. Au lieu de se battre autour d’hypothétiques proportions, regardons enfin cette réalité en face : les victimes de violences sexuelles ne sont pas toutes attaquées par le même satyre stakhanoviste au fabuleux don d’ubiquité. Les agresseurs sont nombreux, intégrés socialement et impunis.

En septembre 2013, j’ai lancé le blog participatif "Je connais un violeur" pour justement montrer que les agresseurs ne sont pas une infime minorité de monstres qui vivent au fond des bois. (...)

Moi aussi je pensais que les violeurs étaient des malades mentaux, de pauvres types qui se jettent sur les femmes la nuit pour leur arracher leurs vêtements et les laisser pour mortes. Ou des désœuvrés de tours de banlieues, ceux qui disent "les meufs c’est comme les chaussettes, on les troue et on les jette". Qui dealent du shit dans les halls d’immeuble. Qui sont au chômage et font des séjours en prison.

Dans "Je connais un violeur", j’ai laissé les victimes décrire leur agresseur. Je voulais montrer qui ils sont. Pas ceux qui ont été condamnés, mais les 98% restant qui ne passeront pas la moindre journée en prison. Pas les inconnus qui surgissent dans les bois, mais les 83% de violeurs que la victime connaissait avant l’agression. Les bons copains, les "trop sympas pour faire un truc pareil". Qui sont-ils, que font-ils dans la vie, est-ce qu’ils ont des enfants, est-ce qu’ils donnent de l’argent à des associations humanitaires, est-ce qu’ils ont des diplômes ? Un violeur, ça fait quoi dans la vie, quand ça ne viole pas ? (...)

Je voulais dire à tout le monde : si une femme ou un homme dit qu’il ou elle a subi un viol, croyez-les. Même si le viol ne correspond pas à l’image cinématographique que vous en aviez. Ce n’est jamais comme on se l’imagine. C’est pire.

Je voulais dire aux hommes : les violeurs ne sont pas les autres. Tu parles bien, tu plais aux femmes, tu as de grandes convictions sur les droits humains et l’égalité entre les sexes ? Très bien. Mais garde bien en tête que quand une femme n’a pas envie de toi, tu n’as pas le droit de la toucher. Si tu le fais, tu es un violeur, et ta place est en prison. (...)

Le mouvement #metoo est historique. Poursuivons-le avec rigueur et cohérence. Continuons de dénoncer, soyons solidaires envers les victimes et implacables envers les agresseurs. Sans être outragés mais en ayant le courage de regarder le monde tel qu’il est – et de le changer.