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« Les victimes civiles sont redevenues le véritable objectif des guerres »
Article mis en ligne le 25 juillet 2014

Les bombes pleuvent sur Gaza, tuant en grande majorité des civils. Les Nations Unies viennent de condamner les violations des droits de l’Homme par l’armée israélienne, dont les tactiques militaires vont à l’encontre du droit international. Celle-ci argue de sa « retenue » ou de sa « moralité ». Mais coups de téléphone d’avertissement et tirs de « missiles préventifs » ne suffisent pas à dédouaner des morts causés par ces frappes.

« Aujourd’hui près de 80% de toutes les victimes de guerre sont des civils », explique la chercheuse britannique Mary Kaldor. « Les effets collatéraux indésirables et illégitimes des anciennes guerres sont devenus le principal mode de combat des nouvelles guerres ». Frapper les civils redevient un objectif stratégique pour affaiblir l’adversaire, plus qu’un « dommage collatéral ». Reportage.

« Les forces de défense israéliennes devraient avoir le prix Nobel de la paix », affirme le 22 juillet l’ambassadeur d’Israël aux États-Unis. Tsahal, « l’armée de défense d’Israël », se bat, selon lui, « avec une retenue inimaginable » dans la bande de Gaza. Le 20 juillet, Avigdor Liberman, ministre des Affaires Étrangères du gouvernement Netanyahou et leader d’extrême-droite, déclare que l’armée israélienne est « l’armée la plus morale et la plus courageuse au monde ».

Cette approche n’est pas seulement partagée par les faucons de l’administration israélienne, mais également par une partie des médias et des dirigeants dans le monde. Articles après articles, reportages après reportages, il est mis en avant le fait que l’armée israélienne prévient les habitants de Gaza avant de les bombarder, en larguant des tracts leur demandant de quitter leur maison, en les appelant sur leur téléphone portable. (...)

Mais les arguments sur la « moralité » de l’armée israélienne ne sauraient résister face au nombre de victimes de cette offensive israélienne sur Gaza. Et face aux violations du droit international.

Des civils piégés dans une bande de Gaza fermée

Depuis le début de l’opération « Haie de protection », près de 750 Palestiniens sont morts. Dont au moins 122 enfants (lire notre article Offensive israélienne sur Gaza : les enfants palestiniens paient un lourd tribut). Toutes les organisations internationales s’accordent pour dire que l’écrasante majorité de ces victimes étaient des civils, et non des combattants.

Avec près d’1,8 million d’habitants et 360 km2 de superficie, la bande de Gaza est une zone extrêmement dense. Les zones d’habitation se succèdent, profondément intriquées. Une zone grande comme un département français, que l’armée israélienne pilonne par les airs, la mer et la terre, depuis le 8 juillet. Ses habitants subissent depuis 2006 un blocus de la part d’Israël et de l’Égypte, et ne disposent d’aucune voie de sortie. Plusieurs organisations humanitaires présentes à Gaza, dont Médecins sans frontières, ont appelé Israël à « arrêter de bombarder les civils piégés dans une bande de Gaza fermée ».

Des tactiques militaires prohibées par le droit international (...)

Le 23 juillet, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a décidé d’envoyer une commission d’enquête, et a condamné « les violations généralisées, systématiques et flagrantes des droits de l’homme et des libertés fondamentales » par l’armée israélienne. La Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Navi Pillay, a appelé à une enquête sur de possibles « crimes de guerre » commis par Israël à Gaza, tout en dénonçant les attaques « indiscriminées » menées par le Hamas contre des zones civiles.

Partir ? Mais pour aller où ? (...)

Mille moyens sont utilisés pour « prévenir » les Gazaouis d’un bombardement. Une résidente de Khan Younes, au sud de la Bande de Gaza, a entendu son téléphone sonner. Son interlocuteur s’est présenté comme « David, de l’armée israélienne », et lui a demandé de quitter sa maison, bombardée quelques instants plus tard. Lors de cette attaque, neuf habitants ont péri...

Prévenir ne saurait dédouaner des morts qui s’ensuivent. « Et partir ? Pour aller où ? », demandent de nombreux Gazaouis. Chaque famille est touchée par les bombardements. Quel Gazaoui peut aujourd’hui affirmer que sa maison sera épargnée, et qu’il peut accueillir d’autres Gazaouis chez lui ? Au moins 117 000 personnes déplacées de force ont trouvé refuge notamment dans des écoles de l’Agence des Nations-Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). Celles-ci sont surpeuplées et ne sont pas totalement à l’abri des tirs israéliens. (...)

Anat Eylon est une jeune israélienne de 18 ans vivant à Tel-Aviv. Militant contre les politiques d’occupation du gouvernement israélien, elle lutte pour la fin de l’opération à Gaza. Elle a initié un mouvement, avec des centaines de jeunes, de refus de servir dans l’armée israélienne. Nous la rencontrons alors que des tirs de roquettes sont tirés sur Tel-Aviv, automatiquement interceptés par le système anti-missile « Dôme de fer ». Elle se prononce avec force et conviction, lorsqu’elle compare son sort à celui des Gazaouis : « Ici aussi, les roquettes nous soumettent à un danger. Mais nous pouvons nous protéger. Nous disposons d’applications Iphone qui nous préviennent en temps réel des tirs de roquettes, qui nous indiquent où sont les abris les plus proches de nous. Et nous pouvons bouger, nous déplacer, aller ailleurs, voire quitter le pays. A Gaza, ils sont davantage en danger : ils n’ont ni abri, ni endroit où s’échapper ».

L’envoi d’un missile ne constitue pas un avertissement (...)

Les civils redeviennent un objectif stratégique et psychologique

Les frappes ici n’ont rien de chirurgicales, les dommages n’ont rien de collatéraux. Nous sommes face à un conflit « asymétrique », tel que décrit par la britannique Mary Kaldor, professeur à la London School of Economics, dans son ouvrage New & Old wars en 1999 : « Ce qui était considéré comme des effets collatéraux indésirables et illégitimes des anciennes guerres sont devenus le principal mode de combat des nouvelles guerres, écrit-elle. La tendance à éviter les confrontations et à diriger la majeure partie de la violence contre les civils est démontrée par la croissance dramatique du ratio de civils dans les victimes de guerre (...)