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Les transhumanistes rêvent d’immortalité
Article mis en ligne le 4 novembre 2017
dernière modification le 3 novembre 2017

De la fontaine de Jouvence à la quête du Graal, le désir d’immortalité de l’homme est une vieille histoire que réactive le mouvement transhumaniste. Celui-ci, plaçant ses espoirs dans la technologie, a la conviction que le corps humain sera bientôt remplaçable et que l’homme n’aura plus à mourir.

Jamais l’espérance de vie de l’être humain n’a été aussi élevée. Dans la guerre qui l’oppose à la vie, la mort fait de la résistance, mais cède chaque jour un peu plus de terrain. Les chiffres sont sans appel : début 2014, la France comptait plus de 20.000 centenaires. Ils pourraient être dix fois plus nombreux à l’horizon de 2060. Quant à l’espérance de vie, elle a presque doublé au XXe siècle dans les pays qu’on dit « développés ». (...)

Didier Coeurnelle, porte-parole de l’Association française de transhumanisme (AFT-Technoprog) : " Nous souhaiterions qu’il soit possible de vaincre les maladies de vieillissement, afin que la société ait le choix et que l’on puisse mourir uniquement si on le décide. Il est important selon nous d’assurer cette liberté. » (...)

Apparu au cours des années 1980, le mouvement transhumaniste est une philosophie prônant le recours à la technologie pour améliorer la condition humaine et venir à bout de sa finitude. Ainsi, selon la Déclaration transhumaniste adoptée par l’Association mondiale transhumaniste en 2002, « les transhumanistes prônent le droit moral de ceux qui le désirent de se servir de la technologie pour accroître leurs capacités physiques, mentales ou reproductives et d’être davantage maîtres de leur propre vie. Nous souhaitons nous épanouir en transcendant nos limites biologiques actuelles ». La « foire aux questions » du site de l’association complète cette définition, en précisant que le mouvement encourage le développement et la diffusion des « techniques visant à éliminer le vieillissement ». Pour Daniela Cerqui, anthropologue à l’Université de Lausanne, qui étudie les liens entre les sociétés et les technologies, « l’humain est le dernier patient à conquérir », dans des « sociétés qui n’acceptent plus la finitude et les limites ». (...)

Un enthousiasme pour la technologie qui en dit long sur notre époque selon Daniela Cerqui : « Nous vivons dans un monde qui, de théocentré, est devenu technocentré. On a totalement remplacé un système de croyances par un autre et donc, on a l’impression qu’il y a une solution technique pour tout. »
Une adoration qui s’ajoute, ou peut-être plutôt résulte, d’une déchristianisation de notre quotidien, selon la chercheuse. Pour les transhumanistes, pas de « vie après la mort » ou « d’âme ». « La mort a été totalement désacralisée, il n’y a plus de croyance dans un paradis qui récompenserait nos bonnes actions en tant que vivant. Désormais, on veut le paradis sur Terre », continue d’expliquer Daniela Cerqui. Si par immortalité on a pendant très longtemps sous-entendu celle de l’âme, les transhumanistes comptent bel et bien donner la vie éternelle à leur corps et surtout à leur esprit. Et pas question de lésiner sur les moyens pour y arriver : « Nous sommes dans une société du culte de la performance. Et ce qui est sous-jacent, c’est que pour faire mieux, il faut faire plus », conclut l’anthropologue. (...)

Anne-Laure Boch, neurochirurgienne à la Pitié-Salpêtrière et docteure en philosophie. « Le transhumanisme est une pensée prédatrice et une caricature de la médecine moderne. La plupart des transhumanistes ne sont pas des scientifiques et ont une vision de la science comme réalisatrice de leur fantasme. La technoscience devient un simple prestataire de service, à qui on peut demander tout et n’importe quoi. Un peu naïf comme conception, non ? Le désir d’immortalité est très ancien et très puissant. Cela ne le rend pas pour autant légitime. Les affirmations des transhumanistes s’apparentent à des rêveries d’enfants immatures », affirme-t-elle. (...)