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Les scientifiques français entament leur mue écologique
Article mis en ligne le 15 octobre 2020

La communauté scientifique ne se limite plus à documenter le désastre climatique : elle agit pour le changement. En France, deux mille scientifiques de toutes les disciplines ont ainsi rejoint le collectif Labo 1point5, qui aide les laboratoires à réaliser leur transition écologique. Une première mondiale qui entend bien faire des émules.

« Chaque fraction de degré compte : il y a urgence à accélérer la lutte contre le changement climatique, et le milieu scientifique doit participer à cet effort collectif », affirme Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe de travail 1 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Face à l’apathie des dirigeants du monde, qui ne parviennent pas à faire infléchir les courbes d’émissions de gaz à effet de serre, la communauté scientifique ne se contente plus de documenter les bouleversements climatiques et environnementaux. Elle tente désormais d’incarner le changement. Partout dans le monde, les initiatives se multiplient pour réduire l’empreinte carbone trop lourde de laboratoires gourmands en énergie, et de chercheurs qui prennent trop l’avion.

Pionnier en la matière, le Tyndall Centre for Climate Change Research, une organisation scientifique basée au Royaume-Uni, a développé « une culture de la recherche bas-carbone pour le XXIe siècle ». D’autres initiatives ont fleuri, à l’image de No Fly Climate Sci, collectif regroupant les géoscientifiques, les universitaires et les citoyens du monde entier qui ne volent pas ou qui volent moins.

En France, cet élan de sobriété pourrait connaître un grand coup d’accélérateur. Depuis plusieurs mois, las de chercher des solutions dans leur coin, des scientifiques ont construit une dynamique nationale pour réduire l’empreinte carbone de la recherche française. Deux mille d’entre eux se sont rassemblés autour du collectif Labos 1point5, ouvert aux membres de la communauté académique, quels que soient leur discipline ou leur statut. Une première mondiale. (...)

« Au vu de l’urgence climatique, tout le monde est dans l’obligation de réduire ses émissions, y compris les scientifiques, qui peuvent jouer un rôle moteur et essaimer vers d’autres secteurs », enchérit Odile Blanchard, maîtresse de conférence en économie à l’université Grenoble-Alpes et membre du collectif Labos 1point5. (...)

Les scientifiques se sont fixé trois lignes directrices : quantifier l’empreinte environnementale des activités de recherche, répertorier les initiatives engagées dans les laboratoires et, enfin, faire émerger des solutions.

À partir de ce jeudi 15 octobre 2020, le collectif propose un nouvel outil en ligne, GES 1point5, qui permet à tout laboratoire de recherche français d’estimer gratuitement son empreinte carbone. (...)

Les données recueillies permettront, au niveau de chaque laboratoire, d’envisager des solutions adaptées pour réduire l’empreinte carbone. À l’échelle macroscopique, elles permettront de mettre en évidence les distributions des empreintes carbone des laboratoires et elles ouvriront aussi la voie à l’estimation de l’empreinte carbone globale de la recherche publique française. « In fine, on voudrait établir un scénario de réduction de cette empreinte globale », poursuit Odile Blanchard.

Les scientifiques devront alors faire des choix forts pour réduire les émissions des bâtiments — chauffage, électricité, gaz réfrigérants — de leurs déplacements professionnels ou domicile-travail, du stockage de leurs données numériques, ou encore les importations de substances et de matériel liées à leurs expériences. L’un des plus compliqués sera certainement la diminution drastique de leurs déplacements en avion. (...)

« Une courroie de transmission de nos efforts vers une échelle plus grande »

Au Laboratoire d’océanographie et du climat (Locean), sur le campus de Jussieu, à Paris, les scientifiques s’échinent depuis l’automne 2018 à faire émerger une « culture bas-carbone ». Ils se réjouissent de la naissance de GES 1point5. « S’il n’y avait pas cette dynamique nationale, nous aurions l’impression d’être une goutte d’eau dans l’océan, dit Xavier Capet, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Cette initiative joue un rôle important dans la structuration des efforts des différents laboratoires, fournit un cadre qui peut stimuler l’action. C’est une courroie de transmission de nos efforts vers une échelle plus grande. » (...)

Le Laboratoire d’océanographie et du climat a déjà bien commencé sa mue. (...)