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Le Monde
Les ouvriers à la recherche du temps perdu, sur Arte
Article mis en ligne le 1er mai 2022
dernière modification le 30 avril 2022

Autant le souligner en préambule : tant qu’une chaîne diffusera un programme aussi ambitieux et réussi sur le fond comme sur la forme que ce documentaire de près de quatre heures, Le Temps des ouvriers, divisé en quatre épisodes, la télévision méritera encore d’être regardée !

Car avec cette histoire du monde ouvrier européen étalée sur trois siècles, Stan Neumann, célèbre documentariste d’origine tchèque, auteur de documentaires remarqués à la fois pour leur rigueur et leur esthétique soignée (la manière de décortiquer l’architecture de grands monuments ou une étude de la pensée du philologue allemand Victor Klemperer notamment), a réussi un véritable tour de force.

Entre l’intérêt historique, la force des archives filmées, la richesse des témoignages (ouvriers, historiens, philosophe…) et l’intégration de séquences d’animation aussi instructives qu’amusantes, ce Temps des ouvriers, appelé à devenir un classique, ressemble à une passionnante leçon d’histoire politique, sociale et économique dans laquelle les faits (des conditions de travail aux grandes luttes en passant par les relations entre patrons et employés) laissent aussi place à l’émotion.

Une émotion palpable lorsque des ouvrières et ouvriers d’aujourd’hui racontent, face caméra, leur expérience. (...)

Et ce témoignage en voix off d’un ouvrier de chez Peugeot, recueilli il y a près d’un demi-siècle : « Le travail à la chaîne, ça t’abîme le corps, le cerveau. C’est pas valorisant. A part les douleurs, tu transmets rien ! »

Parole d’aujourd’hui

Le plus étonnant dans cette longue histoire ouvrière européenne, qui part des premières factories britanniques des années 1730, est de constater à quel point les problématiques restent les mêmes, à travers les siècles. Avec, comme première évidence, la dépossession du temps. Car être ouvrier, aujourd’hui comme hier, c’est d’abord vendre son temps (...)

Grâce à un montage remarquable, Neumann n’est pas resté prisonnier du cadre chronologique fixé par Arte. Même si les quatre épisodes bien identifiés (« Le Temps de l’usine », « Le Temps des barricades », « Le Temps à la chaîne », « Le Temps de la destruction ») font défiler les événements de 1700 à nos jours, le réalisateur ne cesse de confronter la narration historique à la parole d’aujourd’hui. Sans oublier d’intégrer les séquences d’animation qui permettent une respiration plus légère tout en décortiquant de manière ludique des concepts divers (du capitalisme au taylorisme).

A tout cela s’ajoutent une bande-son ponctuée de chants restés dans la mémoire collective et la voix calme et chaleureuse de Bernard Lavilliers au commentaire. De Glasgow à Terni, de Sochaux à Berlin en passant par les mines de Silésie, les usines du Yorkshire ou les aciéries italiennes, ce voyage au long cours vaut le détour.

" Le Temps des ouvriers"A regarder en replay ici