Malgré ses bons chiffres, les perspectives de l’économie égyptienne restent incertaines, tant le pays s’est endetté et dépend de capitaux spéculatifs attirés par des taux d’intérêt favorables. Un modèle qui, par certains aspects, ressemble à celui du Liban.
Deux des plus influentes agences internationales de notation, Moody’s et Standard & Poor’s (S&P), suivies par la plus puissante banque d’affaires du monde, Goldman & Sachs, viennent de lancer coup sur coup un avertissement discret, mais ferme au maréchal-président Abdel Fattah Al-Sissi : attention, l’Égypte pourrait être la prochaine victime de « la volatilité des conditions de financement » dans le monde ; en clair, la remontée des taux d’intérêt aux États-Unis pourrait conduire à une sortie massive de capitaux du pays — et d’une grande partie des pays émergents — comme à une remontée du dollar qui affaiblirait la livre égyptienne et alourdirait le remboursement de la dette extérieure égyptienne (plus de 130 milliards de dollars, soit 112,57 milliards d’euros).
La stratégie financière du gouvernement égyptien depuis l’accord de 2016 avec le Fonds monétaire international (FMI) a visé à rémunérer grassement les capitaux étrangers pour les attirer dans le pays et financer ainsi le déficit budgétaire de l’État comme le déficit courant de la balance des paiements. Bon an mal an, les besoins globaux de financement atteignent le chiffre incroyable de 35 % du PIB. Même en 2020 — année du pic de la pandémie de Covid-19 — ils n’ont pas atteint 10 % dans les principaux pays occidentaux. Le Caire pratique les taux d’intérêt parmi les plus élevés du monde (...)
Une dette insoutenable
Cette politique a été payante : l’Égypte est l’un des rares pays arabes à avoir connu une croissance positive en 2020 (entre 2 et 3 %), résisté à la pandémie qui a atteint au premier chef son tourisme, un secteur clef de l’économie nationale (10 % du PIB) et à avoir continué à séduire les épargnants étrangers. La moitié des pays arabes ont vu leur note abaissée, pas l’Égypte. En moins d’un an, plus de 20 milliards de dollars (17,32 milliards d’euros) ont acheté des titres d’État, le principal emprunteur.
Le revers est évidemment le coût budgétaire de l’opération : les intérêts versés par le Trésor égyptien représentent 45 % des recettes publiques, soit presque 10 % du PIB. (...)
Si la Réserve fédérale, la banque centrale américaine, aux prises avec une remontée de l’inflation supérieure à 2 % par an relève de 2 points ses taux, la Banque centrale égyptienne (CBE) devra pour le moins suivre et imposer aux finances publiques une charge insupportable. Que restera-t-il alors pour supporter les autres charges de l’État, dont les dépenses militaires et sécuritaires ? La stratégie de l’argent cher aura vécu et il faudra aux responsables égyptiens affronter une crise financière sans précédent. (...)