
Expulsée de Mayotte, refoulée d’Anjouan, Koulthouyoune Combo, 20 ans, est ballottée depuis plus d’une semaine entre les ports de Dzaoudzi et de Mutsamudu. Récit d’un calvaire sur un bras de mer.
Mardi 15 janvier. ’’La Citadelle’’, un des bateaux de la SGTM, la société des transports maritimes assurant la ligne Anjouan/Mayotte, est prête à appareiller du port de Mutsamudu. A l’entrée de la nouvelle gare maritime, l’habituel tohu-bohu. Les passagers règlent les dernières formalités et s’informent sur l’état de la mer. Le ciel est clément, le voyage s’annonce donc moins houleux.
Juste avant de larguer les amarres, un membre de l’équipage accompagne une passagère de dernière minute. Une jeune femme au visage à moitié dissimulé par un châle négligemment posé sur la tête et avec comme seul bagage, un sachet plastique bleu contenant une enveloppe. Le portrait classique du sans papier reconduit à la frontière. Sauf que nous ne sommes pas à Mayotte. Et Anjouan n’a pas la réputation de refouler ses ressortissants. Et pourtant, c’est bien ce qui se joue sous les yeux de passagers ébahis. (...)
Combien d’autres Koulthouyoune vivent en silence ce calvaire ? Selon le mensuel mahorais Upanga (n°57 ; décembre 2012), ces « reconduites ping-pong » durent depuis le début de l’année et « pourraient concerner plusieurs dizaines de personnes par mois ». Citant une source humanitaire, Upanga explique que par cette pratique, « les autorités comoriennes ne font pas de la reconduite de masse. C’est généralement à la personne de se manifester auprès des autorités. Si la personne, a avec elle, tous les documents attestant de sa situation, la PAF comorienne monte un dossier pour renvoyer la personne vers Mayotte ».
C’est sans doute le cas de Koulthouyoune Combo qui avait eu la prudence de garder sur elle, un vieux carnet de sa mère attestant de sa naissance à Mayotte, ainsi que le carnet médical confirmant qu’elle débute une grossesse et qu’elle avait un rendez-vous avec un médecin le 10 janvier, le jour où elle est arrêtée par la police mahoraise et expulsée.
Si l’on ignore le sort réservé à toutes ces personnes, le cas de Koulthouyoune Combo prouve que pour l’instant, ni le caractère officiel des documents remis par la PAF comorienne, ni la référence à un accord diplomatique entre la France et les Comores, n’ont eu aucun effet sur la PAF mahoraise, mais mettent en danger la vie des victimes ainsi condamnées à une double peine expulsion/refoulement.
Dans un état de santé fragilisé par son début de grossesse, Koulthouyoune a subi en une semaine, deux expulsions/refoulements, forcée à deux allers-retours en mer entre Mayotte et Anjouan , sans aucun moyen de subsistance, et passé des nuits à dormir à même le sol ou, au mieux, sur un simple matelas mousse au centre de rétention de Pamandzi et dans la zone d’attente du port de Mutsamudu. Expulsée pour une troisième fois vers Anjouan, Koulthouyoune y est restée. La PAF anjouanaise a finalement renoncé à poursuivre ce match de ping-pong avec la PAF mahoraise, au détriment de la santé physique et morale de la jeune. Une décision salutaire, mais qui laisse en suspend cette question : quelle est la validité des fameux accords entre la représentation française et les autorités comoriennes sur lesquels s’est référé la PAF de Mutsamudu pour refuser l’expulsion de Koulthouyoune ? (...)