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Les municipalités laissent mourir les centres de santé
Article mis en ligne le 18 mars 2015

Du temps, du travail collectif et des moyens : trois atouts qui faisaient la spécificité des centres de santé, créés pour offrir à tous une médecine de qualité. Peut-on les soumettre à des objectifs purement comptables sans pervertir le projet initial ? Des établissements mutualistes des Bouches-du-Rhône à ceux gérés par les villes de Saint-Denis et de Montreuil, les personnels rejettent cette idée.

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Des dispensaires publics soumis à la logique du privé
Les municipalités laissent mourir les centres de santé

Du temps, du travail collectif et des moyens : trois atouts qui faisaient la spécificité des centres de santé, créés pour offrir à tous une médecine de qualité. Peut-on les soumettre à des objectifs purement comptables sans pervertir le projet initial ? Des établissements mutualistes des Bouches-du-Rhône à ceux gérés par les villes de Saint-Denis et de Montreuil, les personnels rejettent cette idée.
par Paty Frechani-Maujore, avril 2014

Une mâchoire ouverte. Deux façons d’en traiter l’émail...

Tout d’abord, celle de M. Dupond, dentiste libéral et donc rémunéré « à l’acte ». Remplacer rapportant plus que soigner, M. Dupond préfère les prothèses aux traitements dits de « conservation ».

Et puis une autre approche, celle de M. Durand, dentiste salarié d’un centre municipal de santé (CMS). Ses émoluments ne fluctuant pas en fonction de son rendement horaire, il décide des soins qu’il met en œuvre sans craindre les froncements de sourcils de son comptable (il n’en a pas).

M. Durand gagne deux à trois fois moins que son collègue libéral, soit environ 3 500 euros net par mois. Mais ce n’est pas ce qui le préoccupe. Son problème, c’est qu’il ne sait pas combien de temps il pourra encore pratiquer son métier dans ces conditions : un siècle après leur apparition, les centres de santé, notamment municipaux, sont sur la sellette. Pourtant, les motivations qui avaient présidé à leur création (lire « Genèse d’un modèle alternatif ») n’ont jamais été autant d’actualité.
« Assouplissement » ou saccage ?

Après des décennies d’une histoire mouvementée, tout bascule en 2009, lorsque la loi Hôpital, patients, santé et territoire (HPST) assouplit les conditions d’ouverture des centres de santé. Elle étend le droit d’ouvrir et de gérer un centre de santé aux établissements privés (à but lucratif ou non), sans autres conditions que leur viabilité financière et la pratique du tiers payant (1). La création de maisons de santé associant des médecins libéraux — payés à l’acte — est par ailleurs encouragée.

Le législateur tire ainsi un trait sur la spécificité des centres de santé, notamment municipaux, qui représentaient 12 % de l’ensemble en 1995 (2) : leur plus-value sociale, apportée par le biais de vaccinations gratuites, de la planification familiale, de diverses expériences de réseaux de soins en alcoologie ou d’accompagnement des femmes victimes de violences, etc. Ceux des centres associatifs et mutualistes qui s’orientent vers la seule rentabilité financière en retirent un avantage compétitif certain, en particulier par rapport aux centres municipaux assurant ce type de soins et tenus à des missions de service public. Rarement un assouplissement aura autant ressemblé à un saccage...

Mais il restait encore quelques briques à desceller. En 2012, la ministre socialiste de la santé Marisol Touraine annonce un train de mesures destinées à lutter contre les « déserts médicaux ». Sa martingale ? Les centres de santé ! Mais dans leur version gérée par le secteur associatif et les maisons de santé. Elle montre ainsi son soutien au secteur libéral plutôt qu’aux municipalités et aux caisses d’assurance-maladie. La logique est la suivante : puisqu’on ne saurait entraver le droit des médecins à s’installer où bon leur semble, on tentera de respecter celui des malades à être soignés en encourageant la multiplication de centres de santé « nouvelle version ». (...)

Dans les discours, le projet initial des centres — contribuer à réduire les inégalités sociales — n’a pas disparu. Mais la modification progressive de leur mode de fonctionnement pourrait conduire à l’effet inverse. De nombreux indicateurs concordent en effet pour suggérer que, si la majeure partie des inégalités en matière de santé prennent racine dans des déterminants économiques et sociaux, et requièrent des solutions politiques sur le plan des salaires, du logement, de l’éducation, etc., le système de soins joue un rôle fondamental dans leur permanence, voire dans leur aggravation. Entraver le fonctionnement des centres de santé revient à élargir le fossé.