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Reporterre
Les méthodes des lobbies pour empêcher la réglementation des perturbateurs endocriniens
Pendant trois ans, la journaliste Stéphane Horel a enquêté sur les lobbies et suivi la bataille silencieuse qui se mène dans les couloirs de la Commission européenne contre la réglementation des perturbateurs endocriniens. Intoxication, paru en octobre 2015 (éd. La Découverte), et toujours d’actualité. Entretien.
Article mis en ligne le 31 mai 2017

La Commission européenne a échoué mardi 30 mai à définir ce que sont les perturbateurs endocriniens. L’Union européenne cherche depuis des années à réglementer ces substances qui, en affolant nos hormones, posent un problème majeur de santé publique. Les lobbies ont énormément retardé le processus européen, comme l’explique à Reporterre la journaliste Stéphane Horel.

Actualisation - 31 mai 2017 - La saga continue. Les États européens devaient se prononcer sur la définition des perturbateurs endocriniens mardi 30 mai. Pour la cinquième fois, le vote a été reporté, à cause d’une absence de majorité qualifiée. « C’est une bonne nouvelle, car cela signifie une énième déconvenue pour la proposition inacceptable de la Commission », estime l’association Générations futures. Cette définition est jugée très restrictive notamment par l’Endocrine Society et des associations de lutte contre les pesticides, qui craignent que la majorité des perturbateurs endocriniens ne puissent y être inclus. De nombreux pesticides et substances échapperaient alors à une réglementation adaptée. La décision devrait tout de même intervenir avant l’été. La position de la France sera déterminante : lors des précédentes réunions, elle s’était opposée à cette définition. « Nous attendons de notre ministre de l’Écologie, Nicolas Hulot, une très grande fermeté sur ce dossier. La France se doit de continuer d’être un pays leader et se doit de réussir à convaincre d’autres États-membres à la rejoindre sur ses positions », a déclaré François Veillerette, porte-parole de Générations futures. (...)

Comment une industrie se met-elle en action pour éviter une telle législation ?
Quand on dit « lobbies », cela entraîne tout un imaginaire, beaucoup de clichés. Tous les secteurs industriels ont des organisations de lobbying qui défendent leurs intérêts auprès des institutions européennes. Par exemple, la plus grosse organisation de lobbying européenne est le Cefic [European chemical industry council], le conseil européen de l’industrie chimique, qui dispose d’un budget annuel de 40 millions d’euros et de plus de 150 employés.

On ne parle pas de corruption ou de valises de billets. On parle d’organiser une proximité intellectuelle, de fournir les données, parfois des solutions toutes prêtes, dont les décideurs ont besoin pour réfléchir. Cela signifie prendre des rendez-vous, envoyer des courriels, des relances, écrire des documents que l’on met en pièce jointe. C’est extrêmement banal et assez ennuyeux. Il n’y a rien de spectaculaire. (...)

Quels lobbies se sont mobilisés sur cette question des perturbateurs endocriniens ?
Il y a l’ECPA (European crop protection association), qui représente les vendeurs de pesticides (Monsanto, Dupont, Dow Chemicals). Certaines entreprises, comme Bayer ou BASF, sont aussi montées en première ligne et, dans une moindre mesure, Syngenta. Il y a le Cefic, qui représente 28.000 entreprises chimiques européennes. Après, il y a des acteurs moins actifs au quotidien, Plastics Europe et Cosmetics Europe. Il y a l’American chamber of commerce, qui représente les 160 plus grosses entreprises états-uniennes, dont Disney ou Google. Il faudrait ajouter Crop Life International, qui est l’organisation mondiale de lobbying de l’industrie des pesticides. Et puis l’American Chemistry Council, qui représente les industries chimiques états-uniennes. D’énormes moyens ont été engagés dans ce lobbying.
(...)