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Alternatives Economiques
Les leçons de Monsieur Hulot
PHILIPPE LÉGÉ, MAÎTRE DE CONFÉRENCES EN ÉCONOMIE À L’UNIVERSITÉ DE PICARDIE
Article mis en ligne le 30 août 2018

Quoi que l’on pense de son étrange parcours, de ses positionnements erratiques, de ses affirmations approximatives ou des conflits d’intérêts dont il a été soupçonné, Nicolas Hulot a dit des choses intéressantes en démissionnant.

Il est triste que les grandes chaînes de télévision se soient focalisées sur l’aspect psychologique, et donc individuel, de son acte. (...)

Quitte à faire de la psychologie, ne faut-il pas d’abord écouter le patient ? Avant de prendre congé, celui-ci a clairement dit : « C’est le modèle dominant qui est la cause ». « Vous voulez dire le libéralisme ? ». « Oui, oui ». Cela n’intéresse pas beaucoup les journalistes de BFMTV et CNEWS qui préfèrent projeter leur vision du monde sur Hulot plutôt que d’expliquer au téléspectateur qu’en France les émissions de gaz à effet de serre sont de nouveau reparties à la hausse en dépit de l’engagement pris d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Pendant que l’on disserte sur les « états d’âme » de Monsieur Hulot, on oublie surtout que le gouvernement actuel n’en a aucun. Ce dernier promet de façon cynique que le retard pris sera rattra­pé sur la pério­de suivante (2024-2028) (2). On oublie aussi qu’Emmanuel Macron a favorisé l’essor du transport en autocar et que sa réforme ferroviaire va engendrer des fermetures de lignes SNCF alors même que le transport routier représente 95% des émissions du secteur des transports, qui est lui-même le plus gros contributeur aux émissions de gaz à effet de serre (3).

La démission de Hulot affaiblit l’exécutif. Sur le plateau de télévision, on voit bien l’intérêt d’un député LREM (Bruno Fuchs) à affirmer que cette démission relève plus du « ressenti personnel » que de l’incapacité de la politique macroniste à conjurer la catastrophe écologique. Mais les journalistes ne sont pas obligés de jouer son jeu et de reprendre la fable selon laquelle il n’y a rien de politique là-dedans(...)

C’est une occasion manquée. Pour une fois, Hulot a dit des choses intéressantes mais les téléspectateurs n’en sauront pas grand-chose. Voici trois extraits de son intervention sur France Inter qu’il eût été passionnant de soumettre à discussion. Les journalistes auraient pu inviter des philosophes, des économistes, des historiens, des syndicalistes, des climatologues, des géographes et un psychologue digne de ce nom à en débattre ! Ce sont de simples exemples, le verbatim complet est ici

Nicolas Hulot : « On se fixe des objectifs mais on n’en a pas les moyens parce qu’avec les contraintes budgétaires, on sait très bien à l’avance que les objectifs qu’on se fixe, on ne pourra pas les réaliser ».

Suggestion de débat : Ces contraintes budgétaires sont-elles utiles ? (...)

Nicolas Hulot : « Où est passée la taxe sur les transactions financières ? »

Cette question en amène d’autres : Pourquoi la TTF mise en place à l’été 2012 est-elle insuffisante ? Pourquoi ne va-t-on pas plus loin ? Pourquoi la proposition faite par la Commission européenne en 2011 n’avance pas ?

Nicolas Hulot : « Les investissements qui permettent de réduire nos dépenses énergétiques, qui ne sont pas des dépenses mais des investissements. Est-ce qu’on s’est autorisé à essayer de sortir un peu de l’orthodoxie économique et financière ? Est-ce que la finance de spéculation qui spécule sur les biens communs on l’a véritablement remise en cause ? »

Il y a là encore matière à d’intéressants débats. (...)