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Alternatives économiques
Les jeunes Grecs s’exilent en masse
Article mis en ligne le 17 octobre 2017

« Je voudrais rester vivre en Grèce. C’est mon pays et je l’aime », affirme Hector. Avant d’ajouter : « Mais je sais que je vais devoir partir. » Les raisons qu’il invoque ? « L’envie d’apprendre, d’abord. Je suis cuisinier ; cette formation est meilleure dans d’autres pays comme la France. » Et puis, cet été, pendant trois mois, le jeune homme de 20 ans a vécu sa première saison dans un restaurant, en Crête. « Bien sûr, reconnaît-il, cette expérience a changé ma perception du travail ici ». En réalité, il a eu un avant-goût de son futur professionnel. « J’ai travaillé 7 à 8 heures par jour, 7 jours sur 7. Je gagnais 4 euros de l’heure, ce qui est bien payé », signale-t-il. La plupart des jeunes de son âge ne touchent que 3 euros, moins que le salaire minimum fixé à 3,60 euros par jour pour les moins de 25 ans. « Mais je n’étais déclaré que 6 jours par semaine, et seulement 4 heures par jour », détaille Hector.

Rêves d’ailleurs

Ces arrangements sont monnaie courante dans ce petit bout d’Europe. Ils existaient avant la crise de 2008 ; ils ont décuplé depuis 2010.

Cette année-là, afin d’éviter le défaut de paiement, la Grèce signe avec le FMI, la Commission européenne et la Banque Centrale Européenne un accord de prêt imposant, en échange, l’application de mesures d’austérité. Les réformes du droit du travail incluses dans le programme ont renforcé la flexibilité et développé la précarité.

Et ce à tel point qu’en Grèce, aujourd’hui, 200 000 travailleurs, au moins, sont déclarés à temps partiel auprès du ministère du Travail mais travaillent à taux plein dans les faits. Pis, un travailleur sur cinq n’est pas déclaré du tout. Plus de 50% des nouvelles embauches sont à temps partiel. (...)

Le salaire minimum (à temps plein) est de 586 euros bruts, et de 510 euros bruts pour les moins de 25 ans ; les salaires ont baissé de 40% en moyenne depuis 2010. Pas de quoi faire rêver la jeunesse. (...)

Exil massif

Face à la situation, plus de 280 000 Grecs ont franchi ce pas vers l’exil entre 2010 et 2015 selon une étude menée pour la London School of Economics par Lois Labrianidis, professeur en géographie économique. Ils seraient 350 000 à être partis entre janvier 2008 et juin 2016, selon Endeavor, un réseau de jeunes entrepreneurs, et même 427 000 sur la même période selon la Banque de Grèce. C’est une véritable hémorragie qui contribue, avec le faible nombre d’enfants nés dans ce pays (environ 90 000 par an), à la baisse démographique. (...)

Avec plus d’un cinquième de la population (21%) de plus de 65 ans, la Grèce est donc devenue l’une des populations les plus âgées en Europe. Les répercussions se font sentir notamment sur l’équilibre retraités/actifs, des difficultés à financer les systèmes de retraite et à maintenir le niveau actuel des prestations sociales. Ces arguments font partie de ceux utilisés pour justifier les 14 coupes dans les retraites qui ont eu lieu entre 2010 et 2017.
Marché du travail inadapté

Pourtant, si les Grecs quittent leur terre natale, c’est autant à cause de l’austérité que d’un marché du travail depuis longtemps inadapté. (...)

Fuite des diplômés

« Ceux qui quittent la Grèce sont très éduqués et ils le font parce qu’ils n’ont aucun espoir de trouver un emploi ici, correspondant à leurs qualifications » (...)

Tels des Ulysses du XXIème siècle, qu’il s’agisse de Manolis, d’Hector et de nombreux jeunes candidats au départ, ils affirment qu’ils reviendront au pays après leur grand voyage de « 10 à 20 ans à l’étranger ». « La Grèce, c’est la vie ! C’est un pays unique », lance Hector. Manolis veut, après ses études, « aider son pays à se reconstruire, en y mettant à profit les expériences qu’il aura acquises à l’étranger ».
« Return to Greece »

De son côté, le gouvernement tente de réagir, pour la première fois depuis le début de la crise. Loïs Lambrianidis, devenu secrétaire général du ministère de l’Economie, est l’instigateur d’un plan, « Return to Greece » dont la vocation est de permettre d’une part aux jeunes exilés de préparer leur retour au pays, et de l’autre de leur donner les moyens de conserver le contact avec la Grèce, comme de travailler avec elle depuis leur exil. « Nous voulons devenir une économie de la connaissance », explique-t-il. (...)