
Ce serait « irresponsable à ce moment-ci », nous dit la nouvelle direction d’Hydro-Québec, de ne pas considérer la relance du réacteur nucléaire situé près de Trois-Rivières. C’est du moins ce que soutient le nouveau patron de la société d’État, béni par l’onction du gouvernement de François Legault.
Mais qui donc sont les vrais « irresponsables » dans ce dossier ?
Cette nouvelle, majeure, s’est trouvée tamisée sous les fleurs qui composent l’ordinaire du bouquet fané des actualités d’été. Elle n’est pourtant pas sans graves conséquences. Le seul fait que Québec se mette de nouveau à flairer du côté du nucléaire, en considérant relancer la centrale Gentilly II, a de quoi faire frissonner. Quand sera-t-on capable, enfin, de penser la vie sur Terre dans sa totalité ? (...)
Pierre Fitztgibbon va jusqu’à affirmer, en mêlée de presse, être « intellectuellement » favorable au nucléaire. Il compte à l’évidence au nombre de ceux qui soutiennent que la fission nucléaire offre une faible « empreinte carbone », comme il le dit. Cela est vrai, assurément. À condition, bien entendu, de se fermer d’abord les yeux devant tout ce que cela implique en matière d’extraction de matières premières, de gestion à haut risque et de productions de déchets hyper dangereux qui doivent être stockés pour l’éternité.
Le supposé côté vert du nucléaire, qui fait débat partout, est tartiné gaiement sur le dos des populations. Les adeptes de la croissance verte ne font qu’habiller au goût du jour les mêmes lubies d’antan, sans se donner la peine de repenser pleinement leur mode de développement. Ils promettent ni plus ni moins de continuer à produire comme avant, quitte à minimiser les aspects tragiques du nucléaire. (...)
Au fil des ans, quelque 3000 résidents de Trois-Rivières, de Bécancour et de Champlain ont reçu, à intervalles réguliers, des capsules d’iode à plusieurs reprises, jusqu’en 2012. Ils étaient de surcroît conviés à des réunions afin de considérer la planification du pire qui pouvait survenir.
La pilule d’iode, leur disait-on, constituait un moyen efficace pour prévenir l’irradiation de la glande thyroïde et au moins un type de cancer en cas d’accident nucléaire. Il ne restait plus ensuite, en cas de catastrophe, qu’à quitter les lieux, à tout laisser de côté. N’était-ce pas déjà beaucoup payer que de seulement avoir à le considérer ?
Comment vit-on dans un monde irradié ? Allez le demander à cette humanité morte sous les radiations. Ce monde dont le film Oppenheimer ne parle pas, en réduisant tout, comme nous le faisons si bien aujourd’hui, à la vie de petits individus qui s’accordent le droit de décider de l’avenir du monde, de l’avenir de la vie même. (...)
C’est cette même logique tordue qui voit le Royaume-Uni se lancer à corps perdu dans le forage pétrolier, à l’heure où la planète est à suffoquer. Vouloir persuader autrui que le fait de regarder la vie avec une telle légèreté tient d’une manifestation de responsabilité a de quoi lever le cœur.