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Slate.fr
Les filles peuvent s’habiller comme elles veulent, c’est un droit, pas une opinion
/Titiou Lecoq
Article mis en ligne le 25 septembre 2020

Oyez, oyez braves gens, venez écouter les palabres sur la nouvelle polémique en royaume de France et de Navarre. Enfin... Polémique... Est-ce bien le terme adéquat ? Je veux dire, regardons les choses en face : depuis dix jours, dix putains de jours, la France se demande si les filles ont le droit de s’habiller comme elles veulent.

Mais vous êtes sérieux ? On vit dans quel monde pour que cette question soit simplement évoquée plus de vingt secondes ? Alors dix jours à s’interroger dessus...

Pire encore, au bout de dix jours, on n’a toujours pas trouvé la réponse. (Indice, elle tient en trois lettres et il y a un U au milieu.)

J’ai résisté deux semaines, je n’ai rien publié sur le sujet parce que je me disais que bordel de merde je n’allais pas donner mon avis sur « les filles peuvent-elles choisir librement leurs vêtements ? ». (...)

Mais non, bordel de poil à cul. C’est un droit. C’est pas une opinion. Il faudrait arrêter de demander leur opinion aux gens sur n’importe quoi. Bientôt on aura « vous êtes pour ou contre le droit de vote pour les femmes ? ».

Excusez-moi, je m’énerve. Mais c’est totalement aberrant. Ça me rappelle les témoignages sur le pantalon pour femmes qui a longtemps été jugé obscène (voir l’excellent livre de l’historienne Christine Bard, Une histoire politique du pantalon). Et puis, le short, le crop top et les brassières, mais quoi de neuf sous le soleil ? Où étaient ces gens ces trente dernières années ? (...)

(À noter qu’à mon époque, dans les médias, il y avait des vieux messieurs comme, je sais pas, disons Philippe Sollers, qui nous disaient que l’étalage de notre viande ce n’était pas du tout excitant ni érotique, que limite nous étions écœurantes.)

Je suis donc totalement atterrée par le débat actuel qui, n’en doutons pas une seconde, aboutira à :
1. « pour ou contre l’uniforme à l’école ? », puis
2. « pour ou contre la mixité à l’école ? ».

Évidemment, le plus aberrant c’est que des membres de l’Éducation nationale se permettent de sanctionner des élèves à cause de leurs tenues. C’est honteux. (...)

Parce que contrôler les tenues des filles sous prétexte qu’elles risquent d’exciter les garçons hétéros, c’est exactement ce qu’on appelle la culture du viol. Au passage, on notera que c’est une approche totalement hétérocentrée. Visiblement, il n’y a que les garçons hétérosexuels qu’il faut protéger de la tentation. (...)

Je vais vous dire un truc incroyable : c’est pareil pour un paquet de filles. Alors certes, ça se voit moins, mais je vous assure qu’avoir 15 ans pour une fille, c’est aussi penser au sexe à peu près non-stop. Mais pour autant, elles ne se jettent pas sur l’objet de leur excitation. Comment font-elles ?

Eh bien... elles se contrôlent.

C’est un truc fou, mais ça fonctionne pareil pour les garçons. Cette vision du garçon dépassé par ses pulsions, incapable de se contrôler, est très culturelle. En Occident, au Moyen Âge (et même pendant l’Antiquité), on pensait que si une partie de l’humanité était totalement débordée par ses pulsions sexuelles, c’était les femmes. (...)

La sexualité dévorante des femmes était un signe de leur faiblesse congénitale.

Le renversement avec les normes actuelles est donc intéressant. Désormais, ce sont les filles qui sont perçues comme déconnectées de la sexualité, privées de pulsions, et sachant se contrôler. Et ainsi, elles deviennent responsables du comportement des garçons, créatures faibles.

Mais bizarrement, alors qu’au Moyen Âge cette vision justifiait la domination masculine, de nos jours, l’inverse n’implique pour personne une domination féminine.

Je veux dire, si vraiment les hommes sont des créatures faibles, sans volonté, incapables de rester concentrés face à une fille en short, totalement soumis à leurs pulsions, il serait peut-être temps de poser la question : êtes-vous pour ou contre le droit de vote des hommes ? (...)

Le seul avantage que je vois à cette histoire, c’est qu’elle renforce encore plus la détermination des jeunes. Les nouvelles générations de féministes ont une force qui ne cesse de nous étonner et ce n’est pas en leur interdisant le port du short que vous allez les affaiblir.

Parce que c’est sans doute aussi le but. Je vois dans ces interdictions un mini backlash, ce qui expliquerait que des tenues portées depuis trente ans posent brusquement problème. C’est parce que ces jeunes filles sont déjà en révolte, en pleine affirmation, que leurs tenues deviennent objets de punition.

Il ne faut pas se leurrer : quand la société, quand des adultes en situation d’autorité s’arrogent le droit de décider à la place des femmes ce qu’elles peuvent mettre, il s’agit aussi d’inculquer à ces femmes l’obéissance. (...)

Le seul avantage que je vois à cette histoire, c’est qu’elle renforce encore plus la détermination des jeunes. Les nouvelles générations de féministes ont une force qui ne cesse de nous étonner et ce n’est pas en leur interdisant le port du short que vous allez les affaiblir.

Parce que c’est sans doute aussi le but. Je vois dans ces interdictions un mini backlash, ce qui expliquerait que des tenues portées depuis trente ans posent brusquement problème. C’est parce que ces jeunes filles sont déjà en révolte, en pleine affirmation, que leurs tenues deviennent objets de punition.

Il ne faut pas se leurrer : quand la société, quand des adultes en situation d’autorité s’arrogent le droit de décider à la place des femmes ce qu’elles peuvent mettre, il s’agit aussi d’inculquer à ces femmes l’obéissance. (...)

Les lycéennes et collégiennes qui luttent sans rien céder l’ont bien compris.

Go girls !