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Les émotions collectives entre méfiance et puissance politique
#émotions #collectives
Article mis en ligne le 24 octobre 2022

Quinze chercheurs en sciences humaines explorent la notion d’« émotion collective » en puisant dans l’histoire et l’actualité des ressources pour lui donner une consistante théorique et pratique.

Trois spécialistes des affections et émotions ont présidé au rassemblement des quinze études formant ce volume. Il est consacré aux émotions collectives, et se distingue de ce point de vue des nombreux travaux issus de ce qu’il est convenu d’appeler le « tournant émotionnel » de la recherche historique (entre 1999 et 2015), puisque ce mouvement se concentrait très largement sur les émotions individuelles. Puisant essentiellement sa matière dans des études littéraires, ce mouvement semblait néanmoins négliger les travaux des grands pionniers en la matière : les historiens Johan Huizinga, Marc Bloch et Georges Lefebvre. À l’inverse, l’ouvrage dirigé par Damien Boquet, Piroska Nagy et Lidia Zanetti Domingues propose de renouer avec cet héritage.

Ce volume réunit des historiens, des sociologues, des philosophes ou encore des spécialistes de différents arts, qui portent chacun leur intérêt sur des époques et des régions du monde différentes. Ainsi, on circule de l’Antiquité aux Gilets jaunes en passant par le Moyen-Âge et de l’Angleterre à la Hongrie en passant par l’Italie. On rencontre aussi, inévitablement, les théoriciens des foules du XIXe siècle, et notamment la psychologie réactionnaire de Gustave Le Bon, l’élitisme d’Émile Durkheim, ou les ambiguïtés de Gabriel de Tarde.

Genèse d’un concept

La notion d’« émotions collectives » n’allant pas de soi, il est nécessaire d’en préciser tout d’abord la signification. Ainsi, Damien Boquet propose-t-il de la distinguer de ces expressions proches que sont les « sentiments collectifs », les « effervescences collectives », les « passions communes », la « contagion des émotions », ou encore les « émotions de foule ». On pourrait encore s’interroger sur la délimitation précise du champ de l’affectivité — ce que l’ensemble des articles contribuent à clarifier. Certains auteurs se chargent pour leur part d’explorer les origines philosophiques de cette notion, que ce soit dans le monde antique (Cicéron) ou moderne (Descartes, Hume, puis Spencer, Darwin et Freud). (...)

Le jugement positif ou négatif porté sur les émotions collectives relève peut-être d’un clivage politique. Les partisans de la stabilité politique ne peuvent en effet qu’être méfiants face aux mouvements des foules et les considérer comme des troubles sociaux ; ceux qui aspirent au contraire au renouveau se rapportent de manière plus favorable aux émotions des foules, plaçant en elles l’espoir d’un mouvement susceptible de changer l’ordre du monde.

Mais ce clivage ne peut lui-même être abstrait des situations historiques dans lesquelles s’expriment ces émotions, ni des significations précises qui lui sont alors associées. (...)

De nouvelles communautés sensibles

Les études de cas et les exemples historiques qu’analysent les différents auteurs permettent non seulement d’établir le fondement social et culturel des affections, mais encore de montrer comme l’émotion fait surgir de nouvelles communautés sensibles.