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Les (dis)simulateurs de retraites
Article mis en ligne le 23 décembre 2019

On a fait un tour sur les simulateurs de la réforme des retraites du gouvernement et, devinez quoi, il y a tout plein de dissimulations !

Pour que chacun et chacune puisse juger des bienfaits de la réforme des retraites qu’il veut imposer coûte que coûte, le gouvernement a annoncé à grands coups de communiqués, la mise en place de simulateurs permettant de juger sur pièce en fonction de sa situation personnelle, professionnelle et familiale. La vérité allait sortir du puits au lieu des mensonges distillés par les mauvais simulateurs des syndicalistes. « Les équipes du haut-commissaire aux retraites s’en occupent, a martialement affirmé Edouard Philippe le 15 décembre. Je leur ai demandé de faire un maximum de cas types, par exemple : "Je suis professeur dans la fonction publique, j’ai 50 ans et trois enfants, quelle sera ma retraite demain ?" Ces cas types, je les veux avant le 18 décembre. »

(...)

Il a fallu attendre une journée de plus. Mais pas pour la bonne cause. L’opération simulateur du gouvernement est un vaste enfumage. En fait de simulations, ce sont les dissimulations qui abondent.
Dissimulation numéro 1 : les « non concernés » concernés

Rendez vous sur la page d’ouverture du simulateur du gouvernement. Cliquez sur « Suis-je concerné ? », puis, sur « non ». Enfin, cliquez sur « départ en retraite avant 2037 ou né avant 1975 ». Vous pourrez alors lire : « Vous n’êtes pas concerné(e) par le futur système universel de retraite ».

Fake news : le simulateur dissimule qu’un départ avant 64 ans peut vous faire perdre jusqu’à 10% de votre pension. C’est prendre les non-concerné(e)s pour ce qu’ils ne sont pas.
Dissimulation numéro 2 : la natalité s’effondre

Rendez vous maintenant sur les cas types. Ils sont censés rendre plus concrets les effets de la réforme à partir de cas représentatifs de la vraie vie. (...)

Tout est fait pour empêcher toute évaluation. Dans les cas types, les hommes sont comme les femmes et inversement. Il n’y a aucune différence de salaires entre elles et eux, aucune différence de carrières. (...)

Aucune des 22 femmes « cas types » n’a eu et n’aura d’enfant. Heureusement pour le pays et pour les retraites dans la vraie vie, cela se passe autrement. Mais pour les conséquences négatives de sa réforme pour les femmes, la grande dissimulation continue. Le gouvernement n’a pas fini « de prendre les femmes pour des quiches ».
Dissimulation numéro 3 : tout le monde commence à travailler à 22 ans

L’une des plus célèbres publicités pour le Métro de Pierre Dac proclamait : « D’où que vous veniez, ou que vous alliez, une seule station : Mouton-Duvernet, la station de l’élite ». Pour le simulateur de retraite gouvernemental, c’est un peu pareil. « Qui que vous soyez, d’où que vous veniez et quel que soit le métier que vous exerciez, un seul âge pour commencer à gagner sa vie : 22 ans. » (...)

En réalité, la norme des 22 ans est indispensable pour qu’un départ en retraite à 62 ans dans les conditions actuelles ne soit pas plus favorable qu’un départ au même âge dans le cadre de la réforme.
Dissimulation numéro 4 : la disparition du chômage notamment des seniors et des carrières heurtées

Aucun cas type n’introduit une discontinuité des carrières professionnels. Dans le simulateur du gouvernement le chômage n’existe pas. (...)

Dissimulation numéro 5 : disparition du taux de remplacement

Le taux de remplacement est le rapport entre la pension obtenue et les rémunérations d’activités perçues au moment de la liquidation. Si lorsque vous liquidez vos droits à la retraite, vos pensions mensuelles totales sont de 1800 euros alors que vos revenus salariaux en fin de carrière étaient de 2800 euros, on pourra dire que vous bénéficiez d’un taux de remplacement de 64%. Comme les taux de cotisations ne sont pas les mêmes pour les retraités et pour les actifs, une mesure courante consiste à calculer le taux de remplacement net de la retraite. Quelle que soit la modalité retenue, il s’agit, comme le dit le COR, d’une information essentielle « sur le niveau des revenus de remplacement qu’un régime – ou, à un niveau agrégé, une nation entière – décide d’accorder à ses retraités ». Le système actuel montre que la solidarité joue un rôle important puisque le taux de remplacement est nettement plus élevé pour les bas salaires. C’est également une information très importante pour évaluer le pouvoir d’achat de sa future retraite. (...)

Les cas types du simulateur gouvernemental ne fournissent pas cette information clé. Les cas type de fonctionnaires ne donnent même pas le montant des traitements.
Et pour les salariés il donne des chiffres qui ne permettent pas non plus le calcul. (...)

Il y a encore plus grave : les évaluations des pensions versées dans le cadre du système actuel sont systématiquement sous-évaluées alors que les évaluations des pensions dans le cadre de la réforme sont surestimées. (...)

Dissimulation numéro 6 : l’usine à gaz de la transition

Une autre dissimulation concerne la façon dont est calculée les droits acquis dans le cadre du système actuel. C’est un problème grave dont l’importance est soulignée par Henri Sterdyniak. (...)

En réalité le gouvernement sera quasiment dans l’impossibilité de gérer la période de transition. Au lieu de chercher à tout prix à mettre en place brutalement un système unique à cotisations définies, conclut, à raison, l’économiste doublement atterré, « il devrait, dit-il, engager, dans le cadre du système actuel, de vraies négociations avec les syndicats et les organisations professionnelles pour faire converger progressivement les différents régimes dans un système à prestations garanties. »