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Les deux fronts de la guerre israélienne
Article mis en ligne le 24 juillet 2014

Les manifestations constituent finalement la seule note de justice et de vérité. Et d’espoir. Il faut donc conserver toute leur force morale et leur probité.

En ce terrible été 2014, deux actualités internationales se croisent et se recroisent devant nos yeux, au point parfois de se confondre. À l’est de l’Ukraine, les soldats perdus d’une armée morte errent au milieu des débris de l’appareil de la Malaysia Airlines, victime collatérale d’une guerre trop vite oubliée. Depuis Gaza, les images nous viennent de corps ensanglantés entassés dans des hôpitaux de fortune, et de volutes de fumée noire qui marquent au loin le lieu d’un nouveau crime. Ce ne sont pas tant les images qui se ressemblent, que les commentaires qui, involontairement, créent la confusion. Car ces « États-Unis qui font pression… », ce « Barack Obama qui menace » pourraient être interchangeables. Mais non. C’est sur Poutine, et lui seul, qu’ils font pression, et c’est le Président russe qu’ils menacent de nouvelles sanctions financières s’il ne lâche pas définitivement les milices séparatistes. Jamais Benyamin Netanyahou. Le Premier ministre israélien peut bien continuer à noyer Gaza sous un déluge de bombes. (...)

Une guerre israélienne se mène toujours sur deux fronts : d’un côté, les bombes et les chars ; de l’autre, la désinformation et le bâillon. Le gouvernement israélien sait que son plus redoutable ennemi n’est pas le Hamas, mais l’opinion publique. Si un peu partout dans le monde les manifestations viennent à gagner en ampleur, si l’indignation et la colère montent des capitales européennes ou – pire encore – de Tel-Aviv, il sait qu’il va devoir lâcher prise. Les bombes, Israël s’en charge. Mais sur le deuxième front, M. Netanyahou a besoin d’alliés sûrs et peu regardants sur les méthodes. Particulièrement à Paris, enjeu important depuis toujours de cette guerre de l’opinion, parce que la France est le pays des plus fortes communautés juives et musulmanes, mais aussi parce que, depuis de Gaulle, elle s’est souvent montrée indocile. Sarkozy s’était déjà rapproché d’Israël en s’alignant sur les États-Unis. Mais voilà qu’avec Hollande et Valls, on va plus loin. Il y a dans leurs discours un supplément d’affect. Manuel Valls s’exprime à peu près comme un dirigeant du Likoud. Sans un mot, ni un regard pour les centaines de victimes palestiniennes.

Et tous ceux qui manifestent leur émotion et leur indignation sont des antisémites. Si bien qu’il est urgent de les faire taire. (...)

Mais il y a quelque chose qui échappe à ce récit devenu obligatoire du conflit israélo-palestinien : ce sont les images. Le fascisant ministre des Affaires étrangères israélien, Avigdor Lieberman, a bien songé à les faire interdire, mais le pas n’a pas encore été franchi. Ces images défilent donc, produisant un peu partout émotion et colère. Une colère parfois folle, et en effet inacceptable, quand elle s’attaque à une synagogue ou à des commerçants juifs, comme ce fut le cas à Sarcelles, le 19 juillet. Mais une colère presque toujours saine, qui reste sur le terrain de la protestation civique et de l’appel à la conscience.
Dans le silence d’une communauté internationale qui ne peut dissimuler sa complicité, et face à un discours totalement bloqué qui occulte en permanence la dimension coloniale du conflit pour le transformer en « choc des civilisations », les manifestations internationales constituent finalement la seule note de justice et de vérité. Et d’espoir. (...)

Répéter à tout bout de champ qu’il ne faut pas importer en France le conflit israélo-palestinien, c’est bien, pourvu que ce slogan n’apparaisse pas comme un appel à l’indifférence et au cynisme. Une invitation à renoncer à toute solidarité. Et comme une pièce dans la guerre israélienne de l’information.