Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
Les déchets radioactifs des mines d’uranium empoisonnent la Bretagne
Article mis en ligne le 12 juillet 2017

Jusqu’en 1984, une filiale d’Areva a exploité l’uranium de quarante-deux mines bretonnes. Les sites sont toujours parsemés de matières radioactives qui inquiètent les habitants.

(...) De 1963 à 1981, de l’uranium a débordé de la mine. « L’eau de pluie qui ruisselait dans les galeries chargées en particules radioactives a été évacuée par l’exploitant et s’est écoulée dans une prairie. La matière radioactive a aussi contaminé le jardin de la maison » où un couple de retraités faisait pousser ses pommes de terre. « Le mari passait ses journées à jardiner dans la parcelle polluée. » Il est mort des suites d’un cancer du rein. « Avec une telle contamination radioactive, on peut s’interroger sur la raison du décès de ce monsieur, assène Bruno Chareyron, directeur du laboratoire de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), qui a réalisé des mesures sur les lieux. Mais il est très difficile de faire reconnaître le lien entre les radiations et le décès. »
La toxicité des faibles doses est mal connue

Le niveau des radiations émises par la boue et la terre contaminées représente, par endroits, quarante fois la radioactivité naturelle de cette région granitique. C’est peu : une mammographie ou un scanner irradie davantage. Mais il faut tenir compte de la durée d’exposition à ces faibles doses. Leur nocivité fait débat. La Criirad brandit « plusieurs études épidémiologiques internationales ». Leur constat : « Les faibles doses de radiations reçues sur une longue période augmentent les risques de cancer. » (...)

Une chose est sûre : la toxicité des faibles doses est mal connue. Et nous ne sommes pas tous égaux devant les effets des rayonnements, d’après l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). (...)

S’en protéger ou non ? C’est un pari sur l’avenir, puisque l’uranium 238 restera radioactif pendant des milliards d’années. (...)

Inquiètes, les associations se battent depuis 2009 pour que les matières incriminées à Bubry soient stockées sur un site fermé. Depuis, l’IRSN a dépêché ses experts sur place. Dans certaines zones, ils ont mesuré plus de radioactivité que la Criirad. Ils recommandent d’engager une étude supplémentaire. Le but : évaluer le risque lié à une exposition prolongée aux rayonnements et envisager le stockage. Areva, qui possède le titre minier, doit s’en charger. « Il n’y a pas de risque sanitaire avéré et donc pas d’urgence à traiter, ce qui nous laisse le temps de mener les études à bien », indique le géant du nucléaire à Reporterre par courriel.

En attendant, n’importe qui peut accéder à la prairie et au jardin où, d’après Bruno Chareyron, gisent de véritables « déchets radioactifs ». Une situation « très grave », selon l’ingénieur en physique nucléaire : « L’administration n’a pas mis en place des normes à temps pour empêcher cela. Elle a laissé l’exploitant gérer sa mine de manière scandaleuse, et des eaux radioactives non traitées contaminer l’extérieur du site minier. Un citoyen qui marche à cet endroit est exposé aux radiations et au radon, un gaz radioactif émanant du radium. Certains éléments sont très radiotoxiques si on les ingère, comme le plomb 210 et le polonium 210. »
« Une radioactivité 2.000 fois supérieure à la normale dans un chemin de Guérande » (...)

Au total, la France a sorti de son sol 76.000 tonnes d’uranium. Les 42 gisements bretons en ont produit 1.112 tonnes à partir de 277.946 tonnes de minerai d’une teneur moyenne de 4 kg d’uranium par tonne. (...)

Dans le pays du Roi Morvan, le président de Roz Glas roule vers Persquen. « On a du remblai radioactif sur cette route. Là aussi, dans l’allée de cette maison. » Pas une minute ne passe sans que Patrick Boulé ne relève un site où l’on trouve ces stériles miniers. Quinze communes sont concernées. (...)

Dans le Morbihan, c’est l’ancienne mine de Persquen qui a été choisie comme point de regroupement des stériles. Michel Le Gallo, le maire, a voulu s’opposer au projet, rapporte le journal le Télégramme. En vain. « J’ai été mis devant le fait accompli, regrette l’élu. Je suis tombé des nues. » Le maire a appris que la quantité de matières radioactives à stocker passait de 5.000 à 10.000 m3 lors d’une réunion publique le 8 juin 2016. Philippe Noguès, alors député de la circonscription (il a été battu en juin 2017), s’est ému de ce manque de transparence, en contradiction avec les consignes de la circulaire. Les élus du conseil régional de Bretagne, eux aussi, aimeraient qu’Areva respecte ses « engagements » en décontaminant les sites et en informant le public.

La multinationale réplique qu’elle attend le feu vert de la préfecture pour commencer l’assainissement. Contactés, les services de l’État n’ont pas répondu à nos questions. (...)

L’association se heurte là aux principes de réalité que leur opposent l’exploitant et l’État. « Ils considèrent les sites pollués en fonction de leur usage actuel et non futur. » Quand l’IRSN dit : « Vu la configuration des lieux et les consignes laissées en mairie, personne n’ira habiter ici et aucun enfant n’ira tous les jours se rouler dans cette terre marquée par la radioactivité. » La Criirad répond : « OK, mais dans dix ans ? Mille ans ? »
Les associations dénoncent aussi « des assainissements bâclés », comme sur la presqu’île guérandaise, et une « réglementation qui ne protège pas suffisamment la population ». Elles demandent à être reçues par Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire. « Ce n’est pas normal que les citoyens et les associations doivent se substituer à l’État. »