Selon une étude publiée jeudi dans « Nature », au moins 15 000 nouvelles transmissions interespèces devraient intervenir d’ici à 2070, menaçant également la santé humaine.
« Les décennies à venir seront non seulement plus chaudes mais plus malades. » C’est avec cette phrase-choc que Gregory Albery, du département de biologie de l’université de Georgetown, à Washington, résume le travail qu’il a mené, avec Colin Carlson et d’autres membres de l’ONG américaine EcoHealth Alliance, sur les conséquences du changement climatique sur les risques de transmission virale entre différentes espèces animales. Dans cette étude publiée jeudi 28 avril dans la revue Nature, les auteurs estiment, à l’aide de modèles et de bases de données complexes, qu’au moins 15 000 nouvelles transmissions interespèces devraient intervenir d’ici à 2070. « Nous avons démontré un nouveau mécanisme potentiellement dévastateur pour l’émergence de maladies qui pourraient menacer la santé de la population animale, avec, pour la plupart, des ramifications pour notre santé », souligne Gregory Albery.
Poussées par le changement climatique à se déplacer pour survivre, de nombreuses espèces animales vont parcourir une centaine, ou plus, de kilomètres dans le siècle à venir, emportant avec elles leurs parasites et agents pathogènes. Ces mouvements à large échelle vont provoquer de nombreuses rencontres, jusque-là inédites, entre des espèces qui évoluaient, auparavant, dans des environnements séparés, créant autant de possibilités de transmission de virus et d’autres bactéries potentiellement dangereuses entre animaux. (...)
L’ampleur de ce phénomène dépendra en grande partie de la compatibilité entre ces virus et leurs potentiels nouveaux hôtes, ainsi que des aires de chevauchement des bassins de vie des différentes espèces. Dans tous les cas, les auteurs de l’étude alertent sur le fait que ces échanges viraux ne sont, pour la plupart, pas étudiés et risquent à terme de provoquer des zoonoses, c’est-à-dire la transmission de certains de ces virus à la population humaine. (...)
Les scientifiques ont ainsi identifié différents « hotspots », des lieux particulièrement propices aux rencontres et transmissions virales interespèces, qui coïncideront largement avec une forte densité de population en 2070, notamment dans le Sahel, les hauts plateaux éthiopiens ainsi que la vallée du Rift, l’Inde, l’est de la Chine, l’Indonésie et les Philippines. Certains territoires européens ont également été identifiés. Des pathogènes récemment apparus comme le virus Usutu, qui a notamment décimé la population de merles noirs en Europe, « montrent que ces populations peuvent encore être vulnérables, malgré une surveillance et un accès aux soins accrus », avertissent les auteurs.